Peter Schulthess

Nouvelles de la Charte suisse pour la psychothérapie

La Charte et l’ASP fusionnent

Les deux groupements ‘Charte suisse pour la psychothérapie’ et ‘Association suisse des psychothérapeutes’ ont organisé une assemblée des membres commune le 21.9.2013 ; au cours de celle-ci, il a été décidé à l’unanimité qu’ils fusionneraient au 1.1.2014. Les responsables sont convaincus que ce pas représente une étape importante, l’ASP en tant que groupement professionnel acquérant ainsi un organe chargé d’examiner les offres de formation postgrade et de vérifier leur qualité.

La Charte est maintenant intégrée à l’ASP sous la désignation de ‘Conférence des institutions et groupements de formation postgrade’ ; à ce titre, elle s’acquittera des mêmes tâches que par le passé. Elle applique des critères concernant l’homologation des filières de formation, garantit la qualité de la psychothérapie, offre aux candidats de ses instituts affiliés la possibilité de déposer plainte et promeut la recherche et les échanges scientifiques. Les statuts de la Charte sont précisés par un règlement ASP.

Ses anciennes commissions (de perfectionnement, de déontologie, de psychothérapie pour enfants et adolescents) deviennent des organes spécialisés au sein de l’ASP et poursuivent leurs activités ; il en va de même du groupe de travail ‘psychothérapie émancipatoire’.

La fusion permet de renforcer la position des deux organisations : concernant la Charte, on avait souvent dit qu’elle n’était pas un véritable groupement professionnel et, concernant l’ASP, qu’elle ne vérifiait pas le potentiel d’homologation des filières, déléguant cette tâche à la Charte. La fusion fait de l’ASP un groupement professionnel au plein sens du terme et la Charte peut traiter de questions relevant de la politique professionnelle, au-delà de la politique de la formation.

Le président de la Charte est maintenant membre du comité ASP et la présidente de l’ASP siège au comité de la Charte, ce qui facilite leur collaboration au niveau, en particulier, de l’accréditation ordinaire des filières (qui doit être faite ces prochaines années).

La Charte a 20 ans

Le texte de la Charte a été élaboré entre 1989 et 1991 ; il contient une définition de la psychothérapie et de la formation exigée indépendantes des différents courants. A l’époque, les institutions signataires étaient regroupées au sein de la « Conférence suisse des institutions et des groupements de formation en psychothérapie ».

Le texte en question règle les domaines suivants, indépendamment des courants : conception de la psychothérapie, image professionnelle, formation et perfectionnement (leurs composantes, les standards minimums, ainsi que les exigences posées aux formateurs et à leurs instituts). En vue de garantir la qualité de ces éléments – sur le plan interne et externe –, il a été convenu qu’une commission ad hoc vérifierait périodiquement que tous les signataires de la Charte respectent les critères convenus. On considérait la diversité des courants comme indispensable à la qualité de l’offre de traitements psychothérapeutiques. Sur cette base, les courants membres étaient en mesure de se reconnaitre entre eux, dans leurs différences mais aussi au niveau de leurs équivalences. La Charte fut ratifiée dans un cadre solennel le 10 mars 1993, par 27 institutions de formation, groupements spécialisés et groupements professionnels. Cette ratification représentait un acte important sur le plan international puisque, pour la première fois dans le monde, on avait réussi à associer des approches jusque là (souvent) en conflit et à organiser les rapports entre les membres de manière telle qu’ils puissent militer ensemble pour l’établissement d’une psychothérapie d’un haut niveau de qualité. La conception de la psychothérapie et de la formation soutenue par la Charte a nettement influencé la création de l’EAP (European Association for Psychotherapy), ainsi que la ‘déclaration de Strasbourg’ qui a servi de fondement à cette dernière.

Entre les années 1993-1998, la Charte fut d’abord commission de formation autonome au sein de l’ASP ; elle devint groupement indépendant le 24.1.1998. On espérait que cette évolution permettrait de surmonter les fossés séparant l’ASP, la FSP et la FMH (spécialisation en psychiatrie). En effet, les institutions membres formaient aussi bien des psychologues que des médecins et des personnes ayant une formation de base différente. Cette démarche a échoué et la Charte a continué à être perçue comme une sorte d’appendice de l’ASP. Les standards minimums au niveau de la formation sont demeurés différents, s’agissant de la Charte, de la FSP ou de la FMH. Il reste que (au moins la plupart) des instituts affiliés à la Charte ont continué à appliquer des standards identiques aux candidats issus des différentes formations de base. Certains instituts ont mis en place un curriculum particulier, destiné aux futurs spécialistes FMH et incluant des minimums moins élevés ; mais la désignation de ce type de qualification est demeurée clairement spécifique aux médecins.

Depuis sa création, la Charte a continué à évoluer à différents niveaux. Elle a élaboré une déclaration scientifique (Charte suisse pour la psychothérapie 2002), dans laquelle ses signataires s’engageaient à pratiquer la recherche scientifique, les études étant fondées sur différents protocoles. Elle a organisé des colloques – scientifiques et autres – ayant lieu de 4 à 6 fois par an ; les signataires s’étaient engagés à y participer. Un code d’éthique a été formulé, en rapport à la fois avec la formation et l’exercice de la profession. Une filière complémentaire en science psychothérapeutique a été mise en place, destinée en particulier aux candidats n’ayant pas fait d’études de psychologie ou de médecine. Or, il s’est avéré que les diplômés de psychologie ou de médecine ne disposent pas forcément des connaissances de base dans les branches pertinentes du point de vue de la psychothérapie. La Charte a alors prié ses institutions d’exiger de leurs futurs candidats qu’ils complètent leur savoir.

La Charte a participé à différentes procédures de consultation en rapport avec la mise en place de lois cantonales ou fédérales ; à ce niveau, elle a été prise au sérieux. Les règlementations de la psychothérapie émises par certains cantons correspondaient au contenu de la Charte, alors que d’autres cantons appliquaient plutôt les standards FSP.

Plusieurs projets ont également été menés dans le domaine de la recherche. Les colloques scientifiques mis à part, deux études ont été entreprises : une enquête sur la structure et les prestations de soins en psychothérapie en Suisse (Schweizer et al. 2002), ainsi qu’une étude naturaliste de la pratique ambulatoire en Suisse (PAP-S / Tschuschke et al. 2009, von Wyl et al. 2013). Cette dernière se trouve encore en phase d’évaluation des résultats, mais différentes publications sont prévues jusqu’en 2015.

Pendant toutes ces années, la commission de perfectionnement a organisé de nombreux congrès et rencontres, dont le compte-rendu a parfois été publié, soit sous forme de livre, soit dans les revues Psychotherapie Forum ou Science Psychothérapeutique.

Depuis la ratification de la Charte, d’autres institutions en sont devenues membres alors que quelques affiliés en démissionnaient. La Charte est demeurée et demeure encore ouverte à de nouveaux affiliés et courants dont les critères de qualité et les bases scientifiques correspondent aux éléments définis dans son texte.

Un aspect important est la conception de la psychothérapie en tant que discipline scientifique indépendante. Durant les travaux en rapport avec la loi psy (LPsy), nous n’avons pas réussi à le faire reconnaitre et le législateur suisse a fait de la psychothérapie une profession de la psychologie. Mais à l’étranger également, on accepte de plus en plus souvent le fait que la psychothérapie n’est ni médecine, ni psychologie : elle est une discipline autonome, utilisant le savoir acquis par différentes sciences sociales et naturelles et elle a besoin de ce savoir transdisciplinaire pour continuer à se développer. Il faudrait donc qu’au niveau des universités, elle soit enseignée dans des départements spécifiques et que la recherche soit pratiquée dans ce même cadre. La Charte va continuer à s’engager pour que cela devienne une réalité.

La fusion a permis de fortifier les deux groupements, ASP et Charte : ensemble nous sommes plus forts. La Charte va également offrir des cours de théorie générale, qui viendront compléter l’enseignement théorique offert par les différents instituts et qui permettront de satisfaire aux exigences formulées dans la LPsy ; cela facilitera sans doute la démarche qu’entreprendront les filières pour obtenir l’accréditation ordinaire.

Suite à l’élaboration par la Confédération d’une ordonnance définissant des standards minimums au niveau de la formation, la Charte et ses membres ont mené une réflexion sur leurs propres standards. Ils ont décidé d’adapter ces derniers aux critères fédéraux, mais chaque institut demeure libre d’appliquer des standards plus élevés lorsqu’il s’agira d’accorder un diplôme correspondant à l’approche qu’il enseigne.

Une question demeure ouverte : quels sont les membres de la Charte qui souhaiteront demander l’accréditation par le biais de l’ASP, organisation responsable, et quels sont ceux qui souhaiteront passer par une autre organisation – ou qui se voient eux-mêmes en tant que telle et qui présenteront leur demande directement. Des débats à ce sujet ont encore lieu au sein des différents instituts.

Permettez-moi de remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont œuvré pour la Charte au cours des 20 dernières années. Si cette dernière n’existait pas, il faudrait l’inventer ! Il est important qu’elle conserve son identité : elle est une association fédérant ses membres et n’est pas une organisation qui existerait en soi et imposerait des normes aux institutions membres. Celles-ci vont donc devoir s’assurer que la Charte demeure leur Charte.

Auteur

Peter Schulthess est président de la Charte suisse pour la psychothérapie et membre du comité ASP.

Correspondance

Courriel: praesidium@psychotherapiecharta.ch

Bibliographie

Schweizer, M, Buchmann, R., Schlegel, M., Schulthess, P., 2002 : Structure et prestations des soins en psychothérapie en Suisse. Enquête de la Charte suisse pour la psychothérapie. In: Psychotherapie Forum, vol. 10, numéro. 3, 2002, Springer, Vienne et New York

Charte Suisse pour la psychothérapie 2002 : Déclaration de la Charte suisse pour la psychothérapie concernant la notion de caractère scientifique des méthodes psychothérapeutiques et les exigences posée à cet égard. In : Psychotherapie Forum, volume 10, numéro 4, 235-238, Springer, Vienne

Tschuschke V., Crameri A., Koemeda M., Schulthess, P., von Wyl A., Weber R., 2009: recherche en psychothérapie – réflexion fondamentale et premiers résultats de l’étude de la pratique ambulatoire en suisse (PAP-S). In : Psychotherapie Forum, volume 17, numéro 4, 160-176, Springer, Vienne