Critique concernant la cellule de signalement des rumeurs d’atteintes sexuelles de l’association de Bâle

Barbara Strahm

Les atteintes sexuelles sont des transgressions d’autant plus lourdes de conséquences lorsqu’elles surviennent dans des relations psychothérapeutiques. Elles relèvent non seulement du droit pénal mais également des règles de déontologie de la profession. Compte tenu de la spécificité de la relation psychothérapeutique, le code de déontologie considère qu’une relation sexuelle même consentie dans le cadre d’une relation psychothérapeutique est contraire aux règles de la profession. Toutes relations sexuelles entre un/une thérapeute et un/une patient(e) dans le cadre d’une relation psychothérapeutique doivent être considérées du point de vue déontologique comme inadmissibles même si elles sont initiées par le/la patient(e). À cet égard, le droit professionnel se doit d’imposer des exigences spécifiques quant à la maturité psychique des thérapeutes. Dans tous les cas, le droit professionnel pose des exigences spécifiques en ce qui concerne la production de la preuve qu’une relation sexuelle entre un/une psychothérapeute et un/une patient(e) est consentie.

Une accusation pour atteinte sexuelle, qui plus est dans le cadre d’une relation psychothérapeutique et à l’encontre d’un/une thérapeute, est une charge grave. Elle entraine généralement, si elle est confirmée, le retrait de l’autorisation d’exercer pour le/la thérapeut(e). Si l’accusation ne peut être démentie clairement, la réputation du/de la psychothérapeute s’en trouve irrémédiablement et durablement entachée et sa vie professionnelle comme privée en reste profondément marquée même si aucune sanction disciplinaire n’a été prononcé. Il n’existe pas de moyen plus efficace de détruire professionnellement et personnellement un thérapeute qu’une accusation pour atteintes sexuelles ou pour relations sexuelles apparemment consenties dans le cadre de la psychothérapie.

Trois cas de figure existent et ne peuvent être totalement exclus: atteintes sexuelles de la part du/de la psychothérapeute sur le/la patient(e) ou client(e), relations sexuelles apparemment consenties dans le cadre de relations psychothérapeutiques et accusations mensongères portées par des client(e)s/patient(e)s ou leurs partenaires actuels ou anciens ou toutes autres personnes malveillantes à l’encontre de psychothérapeutes. Il convient de faire preuve d’une responsabilité exemplaire dans ces trois cas de signalement.

Un dispositif de signalement concernant les atteintes sexuelles et les relations sexuelles apparemment consenties dans le cadre de relations psychothérapeutiques est nécessaire et approprié en l’espèce. Il peut, mais sans obligation, être du ressort d’une association de psychothérapie. L’idéal serait une cellule de signalement indépendante de toute association, par exemple sous la forme d’une fondation indépendante financée par les cotisations annuelles de l’ensemble des psychothérapeutes en activité. Ce serait là une manière d’éviter au maximum toute ambiguïté relationnelle.

Une association professionnelle en charge d’une cellule de signalement des atteintes sexuelles et des relations sexuelles consenties dans le cadre des relations psychothérapeutiques devra toutefois accepter que sa probité soit évaluée, que les modalités pratiques de son action soient questionnées et devra rendre compte spontanément des voies possibles de règlement et de sanctions envisagées dans les cas signalés. De manière générale, elle devra faire preuve de transparence dans son action et en ce qui concerne les voies de règlement choisies.

Il est nécessaire et approprié en l’espèce qu’une cellule de signalement des atteintes sexuelles et des relations sexuelles apparemment consenties dans le cadre des relations psychothérapeutiques émanant d’une association professionnelle de psychothérapie garantisse aux informateurs et aux informations qu’ils livrent une totale confidentialité. C’est une prérogative de tout dispositif de signalement privé que de ne pas être obligé de donner suite systématiquement au signalement d’un délit mais de pouvoir le faire uniquement à l’initiative et en étroite concertation avec le requérant C’est ce qui différencie le signalement auprès d’un dispositif privé d’une plainte auprès d’une autorité judiciaire.

Toutefois confidentialité ne signifie en aucun cas anonymat. De plus un signalement n’a rien à voir avec une rumeur.

Une cellule de signalement qui inciterait au signalement anonyme de rumeurs d’atteintes sexuelles dans le cadre de relations psychothérapeutiques agirait de façon totalement immorale non seulement à l’encontre des intérêts légitimes des victimes d’atteintes sexuelles mais également à l’encontre des intérêts légitimes de la collectivité qui, quoi qu’il en soit, est garante du droit pénal et de la fonction protectrice dont dépend la victime. Une cellule de signalement qui inciterait au signalement anonyme de rumeurs d’atteintes sexuelles saperait les bases sur lesquelles la collectivité s’est accordée à fonder le caractère répréhensible et inacceptable des atteintes sexuelles et qui permettent de lutter contre de telles atteintes. Une telle cellule de signalement se mettrait du même coup dans l’illégalité vis-à-vis de l’État de droit qui garantit aux personnes présumées coupables la possibilité de se défendre de manière concrète contre des accusations concrètes.

Comment doit fonctionner une cellule de signalement dans la pratique?

Comment la cellule de signalement peut-elle s’assurer qu’elle n’enregistre pas des rumeurs anonymes sans aucune véracité provenant de patient(e)s déçu(e)s, de personnes jalouses, de collègues malveillants ou de toutes autres personnes animées de mauvaises intentions?

Si plusieurs signalements anonymes font état d’atteintes sexuelles présumées de la part d’un psychothérapeute ou de relations sexuelles apparemment consenties dans le cadre d’une relation psychothérapeutique, comment peut-on en pareil cas déterminer si ces signalements ne proviennent pas tous d’une seule et même personne anonyme? Les variations textuelles des signalements ne permettent pas à elles seules de conclure que ces signalements ne proviennent pas d’une seule et même personne anonyme.

Comment confronter le psychothérapeute aux accusations dont il fait l’objet si l’informateur et le/la patient(e) concerné(e) restent anonymes et que de facto les circonstances immédiates de la relation sexuelle présumée restent floues?

S’attend-on à ce que le/la psychothérapeute concerné(e) «avoue tout sous le poids de vagues accusations anonymes» ou le but est-il de suggérer au psychothérapeute accusé que le dossier est suffisamment solide pour pouvoir en tout état de cause envisager de porter l’affaire devant la justice? Songe-t-on vraiment, sur la base de rumeurs anonymes faites sous le voile de l’anonymat, à mettre les psychothérapeutes accusés sous pression jusqu’à ce qu’ils avouent ce qu’ils sont censés avouer?

Comment la cellule de signalement doit-elle procéder dans le cas où des psychothérapeutes qui ont les nerfs suffisamment solides nient tout en bloc et réfutent les accusations concrètes de personnes concrètes?

Admettons que le psychothérapeute avoue effectivement les agissements qui lui sont reprochés, quelle suite faut-il donner à l’affaire? Faut-il demander au psychothérapeute de signer une déclaration sur l’honneur dans laquelle il s’engage à ne plus agir de la sorte à l’avenir en contrepartie d’une absence de sanction, moyennant la complicité de l’association? Ou faut-il exiger qu’il abandonne la profession ou qu’il dédommage le/la patient(e) concerné(e). Dans ce dernier cas, compte tenu de l’anonymat du/de la patient(e), le dédommagement devra être versé à la cellule de signalement de l’association laquelle devra se charger de le reverser ou, le cas échéant, de l’utiliser à d’autres fins.

 

Etc. pp.

 

Barbara Strahm, Psychotherapeutin ASP

barbara.jmstrahm@bluewin.ch