Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir le métier de psychothérapeute ?
Comme mon père était psychologue, j’ai baigné dans la littérature psychologique dès ma jeunesse. À l’époque j’étais donc d’avis de ne pas aussi étudier la psychologie car j’allais dans tous les cas m’y intéresser. Je voulais aller à l’école de théâtre de Zurich ou étudier la rythmique à Innsbruck. Au final, le constat que je suis une personne qui s’intéresse à beaucoup de choses a pris le dessus et ainsi que les études de psychologie au spectre très large me correspondait le mieux.
Quel est votre parcours professionnel ?
En 1997 j’ai terminé mes études en psychologie, psychopathologie dans l’enfance et l’adolescence et en criminologie à Zurich. Au cours de mes études, j’ai aussi toujours travaillé pour couvrir mes frais. Après la fin de mes études, j’ai d’abord travaillé et j’ai voyagé, j’ai appris l’espagnol en Espagne et à Cuba et j’ai traversé l’Atlantique à deux sur un petit voilier. Ces expériences variées me donnent un sentiment de confiance de m’en sortir avec moi et avec ma vie et de pouvoir garder mon calme même dans des situations difficiles.
C’est plutôt par hasard que j’ai atterri dans la recherche qualitative en marketing psychologique où j’ai appris à animer des groupes de discussions et à exercer ma façon de penser analytique. De plus j’ai eu accès à de nombreuses cultures d’entreprise très différentes les unes des autres.
Une ancienne collègue d’études m’a ensuite encouragé à faire une journée de stage dans la clinique psychiatrique de Rheinau à l’époque. Cette journée passée dans le secteur fermé de la psychiatrie aigüe m’a fascinée, étonnée et m’a rendu curieuse d’en savoir plus, de sorte à ce que j’ai accepté un poste d’un an comme doctorante en psychothérapie dans la psychiatrie aigüe. J’ai eu la chance de travailler avec un directeur très inspirant, non conventionnel et plein d’humour qui m’a montré une voie pour aller à la rencontre de personnes se trouvant dans des situations personnelles et de personnalité très difficiles avec estime et une étonnante facilité.
J’y ai ensuite obtenu un poste comme psychologue stationnaire à la station pour le traitement de la dépression et de l’angoisse que j’ai pris la décision de quitter un an plus tard. Lors de mon temps passé en clinique, j’ai travaillé dans des thérapies individuelles mais aussi de groupe et commencé en parallèle ma formation de thérapeute à l’IGW (Gestalt-thérapie intégrative de Würzburg).
Après deux années de travail en clinique avec des adultes, j’ai effectué un accompagnement psychothérapeutique d’adolescents pendant quatre ans, dont deux dans un projet pédagogique pour des adolescents ayant quitté l’école tôt de la ville de Zurich et deux autres dans un foyer pour jeunes femmes à Belp. Depuis dix ans je travaille à temps partiel comme coach au nip (voir ci-dessous) et depuis 2011 aussi dans mon propre cabinet au centre thérapeutique de la gare de Bienne.
Travaillez-vous comme psychothérapeute indépendante dans votre propre cabinet et/ou travaillez-vous (en tous les cas en supplément) comme psychothérapeute déléguée ?
À l’origine j’ai débuté ma pratique thérapeutique en délégation. Depuis mars 2017 je suis enfin reconnue par les caisses d’assurance maladie et depuis je facture par l’assurance complémentaire. Les client(e)s qui ont commencé chez moi auparavant peuvent toujours être facturés par l’assurance de base.
Y a-t-il un autre métier, une autre occupation que vous exercez en plus de la psychothérapie ?
Depuis 2008 je travaille comme coach pour le nip, un projet d’intégration facilement accessible pour les adolescents, les jeunes adultes et les familles se trouvant dans des situations difficiles. Il s’agit principalement de remettre du mouvement dans des situations bloquées, souvent aussi d’aider des personnes à se reconnecter avec ou simplement à accéder à des propositions de formation, au monde du travail, etc. Au centre se trouve un processus de recherche qui tient compte des centres d’intérêts, des modes de vie et du rythme des personnes demandant de l’aide. Contrairement au travail thérapeutique, dans le coaching nous soutenons les client(e)s aussi de façon très pratique, écrivons des CV ensemble, recherchons des logements, les accompagnons à un stage ou à l’administration.
L’attitude vécue et entretenue au nip, l’orientation par rapport à un interlocuteur, la rencontre en face à face et les orientations conséquentes selon la volonté de l’interlocuteur sont analysées chaque semaine au cours d’une intervision de trois heures. Cette remise en question permanente de notre propre méthode de travail dans une équipe vivante enrichit à ce jour de façon très précieuse et nécessaire mon quotidien professionnel.
Quelle est votre spécialisation ?
Je suis déterminée à toujours m’engager envers les personnes qui viennent dans mon cabinet, à toujours m’étonner à quel point chaque personne est unique. Je suis spécialisée en procédures de recherche conjointes, orientées de façon cohérente au rythme et à la volonté de l’interlocuteur avec comme objectif la promotion de l’autoperception, des compétences personnelles et de l’estime de soi. Cela englobe les questions « qui suis-je ? », « comment suis-je devenu(e) celui/celle que je suis aujourd’hui ? » et « qu’est-ce que je veux ? ».
Méthodiquement je me trouve dans la Gestalt-thérapie axée sur le présent, ce qui est présent au moment de la rencontre entre le/la thérapeute et le client/la cliente. Dans mon travail j’implique aussi toujours le corps, guide à la perception de ce qui se passe au niveau du corps et propose des exercices pour la prise de conscience. J’aime utiliser différents médias créatifs tels que des figurines pour représenter des processus internes, des exercices avec la chaise, des jeux de rôles, des voyages imaginaires ou bien le modèle du fleuve de la vie de Nemetschek. La formation continue et des échanges professionnels m’ont permis d’apporter un certain savoir-faire en thérapie orientée sur les ressources, la pensée systémique, thérapie portant sur l’état du moi et diverses approches de danse-thérapie dans la salle de thérapie. Dans mon travail, l’humour est tout aussi important que le cœur et la raison.
Ma spécialisation se trouve ainsi dans le comportement et dans la méthode et n’est pas principalement spécifique au trouble.
Êtes-vous satisfaite de votre situation professionnelle ?
Je me trouve dans une situation confortable me permettant, depuis un an, de développer mon indépendance pas à pas dans la pratique psychothérapeutique et en cas de besoin, je pourrais à tout moment avoir recours à la délégation.
Le fait de développer deux principaux secteurs professionnels différents est enrichissant et diversifié pour moi, même si parfois il me manque une focalisation et un profilage clairs dans un domaine spécialisé. Ma famille reste une part importante et prenante de ma vie et je dois partager mon temps et mon énergie entre celle-ci et ma voie professionnelle.
Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez changer ?
Je souhaite en tous les cas que le métier de psychothérapeute soit ainsi reconnu comme tel et apprécié en conséquence. Que nous puissions enfin facturer par l’assurance de base et qu’ainsi tout le monde ait les mêmes possibilités de traitement.
Y a-t-il quelque chose que vous attendez de votre association ASP ?
De ce que j’ai perçu de l’ASP jusqu’à présent, je la trouve très engagée dans la politique professionnelle et qu’elle propose une offre de service large et cohérente pour les membres et les personnes demandant de l’aide. J’apprécie énormément ces prestations et souhaite que celles-ci perdurent.
Vous sentez-vous représentée et reconnue dans votre association professionnelle ASP ?
Je me sens très bien représentée par l’ASP particulièrement en ce qui concerne le travail pour l’enregistrement dans le registre professionnel de psychologie de la BAG et en général pour tous les efforts en rapport avec le LPsy. De plus, je ressens le fait que j’aie été interrogée dans cet entretien en tant que nouveau membre comme une reconnaissance.
Quel serait votre centre d’attention si vous étiez au conseil de l’ASP ?
En tant qu’association professionnelle dans la situation politique actuelle, la politique professionnelle doit rester le point de mire ainsi que la qualité du travail thérapeutique.
Y a-t-il une fonction dans l’ASP que vous aimeriez revêtir ?
Si je devais prendre une fonction, ce serait plutôt dans le domaine de l’éthique professionnelle. Mais pour le moment je n’envisage pas de prendre une fonction.
Selon vous, quelle serait la situation idéale pour les psychothérapeutes dans la situation politique actuelle ?
Enfin une facturation directe par l’assurance de base, et cela si possible de façon simple.
Quelle est votre vision dans votre quotidien professionnel ?
Une activité psychothérapeutique dans une pratique communautaire dans laquelle on partage les mêmes valeurs fondamentales et attitudes et permettant ainsi un échange technique passionnant, respectueux et avec humour. Avec beaucoup de place et de grandes pièces afin de pouvoir travailler aussi en mouvement et avec la voix.
Eva Taravella Aragón, Psychothérapeute de l’ASP/coach nip, Berne/Bienne. Membre extraordinaire de l’ASP depuis 2015 et ordinaire depuis 2017. Activité : Psychothérapeute et coach
Adresse de contact (e-mail) : eva.taravella.aragon@tierranueva.ch
L’interview a été menée par écrit par Peter Schulthess.