Nouvelles de la Suisse Romande

Sandra Feroleto

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 7 (14) 2021 48–51

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2021-2-48

Chaque jour, je rencontre un médecin qui raccroche le tablier, un infirmier qui se détourne de sa vocation initiale, une directrice de structure de soins qui prépare une retraite plus qu’anticipée. Les Hommes tentent d’échapper à la machine infernale qui s’est mise en route.

Au cabinet, cela donne un patient anxieux qui s’accroche à son masque, suivi d’un patient qui insiste pour pouvoir le retirer pour parler plus librement, suivi de personnes qui l’enlèvent et remettent sans même y faire attention … le posant à l’occasion sur le canapé où d’autres s’installeront tout à l’heure.

Quels sont nos nouveaux repères ? La loi des directives de crise s’érige, toute puissante, bafouant par là nombre de dispositions légales … Certains se sentent profondément choqués et menacés par cela. D’autres, au contraire, sont rassurés d’avoir le sentiment que «les choses sont sérieusement prises en main». Celles et ceux qui ont l’habitude de suivre le mainstream sont perdus, ne savent plus qui croire, écouter, suivre. Ils s’en remettent au gouvernement ou alors aux théories de contre-pouvoir … sans conviction parfois.

En Suisse romande, certains positionnements de gouvernement ont rassuré par leur pragmatisme. Des tests offerts aux étudiants pour leur éviter de se retrouver devant l’impasse de devoir soit arrêter leurs études soit se vacciner. Le refus d’admettre que des citoyens se mettent à soudoyer d’autres pour qu’ils se fassent vacciner et leur permettent de toucher de l’argent. Heureusement, quelques bribes de réassurance quant à l’éthique, au bon sens, au recul et à la mesure qui font généralement la nature de la politique suisse … Comment tout cela impacte notre travail de cabinet ?

La Suisse romande n’échappe pas à toutes ces problématiques, évidemment. Et si j’aurais préféré ne pas parler COVID dans ces nouvelles d’A jour, je vois mal comment je pourrais parler d’autre chose. À quelques semaines des urnes où les Suisses pourraient se prononcer sur leur volonté concernant cette gestion de crise, difficile de ne pas se souvenir que ces mêmes Suisses ont refusé d’augmenter les vacances ou de baisser le temps de travail.

Serions-nous un peuple particulièrement docile et soumis ? Est-ce que cette posture «au service», cette tendance à regarder les besoins d’autrui avant les siens ne serait pas une des difficultés majeures de la plupart de nos patients ? De la mère de famille en burn-out au professionnel qui perd pied, du jeune qui cherche à se conformer sans y parvenir à la personne âgée qui ne sait plus bien où se rendre utile ?

En tous les cas, cette crise questionne. Elle vient remuer l’identité, chatouiller l’indépendance d’aucuns et bouleverser le conformisme usuel d’autres. C’est un moment d’opportunité pour la psychothérapie. Quelque chose bouge. Et c’est bien le propre de notre métier d’accompagner nos concitoyens à bouger. Quelque chose, quelque part. Changer de points de vue, modifier l’angle de regard. Cela amène une créativité nouvelle, des perspectives innovantes …

Alors c’est ce que je nous souhaite en Romandie comme ailleurs : innover, nous découvrir plus solidaires, libres. Marie-Eve Hildebrand, dont le père médecin de campagne œuvrait en Romandie jusqu’il y a peu … a réalisé un très joli film en son hommage Les Guérisseurs, dans lequel elle s’interroge et interroge le monde : qui sont les guérisseurs d’aujourd’hui ? En sortant de cette projection, je me disais que c’est ce que nous sommes, nous psychothérapeutes. Même si en Romandie, il ne faudrait pas parler de Guérisseurs, car cela semblerait très vite farfelu, ésotérique et politiquement incorrect. Et pourtant, je pense que c’est ce que nous sommes en fait : des guérisseurs des blessures de l’âme.

Une journée de réflexion en Romandie était prévue autour des notions de peur de la mort, angoisse de la finitude, de salutogène, avec plusieurs personnalités romandes très engagées. Mais la crise sanitaire a eu raison de nos belles ambitions jusque là. Il faudra donc encore attendre pour nous retrouver.

D’ici là, celles et ceux qui le souhaitent peuvent s’adresser à moi pour rejoindre un groupe «psy» fraîchement constitué, dont l’optique est, dans cette période si chahutée, de constituer un cercle de conscience solidaire, mais aussi de créer des fiches grand public sur les thèmes psy qui nous préoccupent en ce moment … notamment la peur, la manipulation mentale, l’effet du totalitarisme etc. Vous l’aurez compris, c’est un groupe non conformiste, qui cherche à maintenir le débat ouvert et vivant autour de ce que nous traversons actuellement ! N’hésitez pas à me faire signe si vous souhaitez rejoindre le groupe.

En attendant, nous nous rencontrerons physiquement je l’espère à notre prochaine AG de printemps – si l’occasion ne se présente pas avant – et je vous souhaite à tous un bel hiver au coin du feu.

Sandra Feroleto est membre du comité et délégué pour la Suisse romande.