à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 7 (14) 2021 72–73
https://doi.org/10.30820/2504-5199-2021-2-72
Quelles motivations vous ont poussé à choisir la profession de psychothérapeute ?
Déjà dans mon premier métier d’aumônier, j’ai eu la possibilité de rencontrer des gens dans leurs différentes situations de vie. En tant qu’aumônier de prison, j’ai surtout mené des entretiens individuels et ai accompagné des personnes incarcérées à travers de nombreuses crises et processus. Le setting du ministère pastoral a cependant souvent un caractère ouvert, fortement marqué par la situation. J’apprécie en revanche en psychothérapie de pouvoir travailler avec des gens de façon plus liée à un processus de développement. Les gens qui recherchent une psychothérapie amène la plupart du temps des motivations plus claires, même s’ils ne parviennent peut-être pas encore à les formuler.
Quelle est votre parcours professionnel ?
La question de savoir comment la vie – notamment la bonne vie – m’a déjà très tôt préoccupé. On peut comprendre cette question en termes éthiques et salutogénétiques. Ces deux points étaient importants à mes yeux. Au cours de premières études de théologie, j’ai reconnu que la réponse que nous apportons à une question éthique n’est certes pas indifférente (si nous pensons seulement aux effets de l’industrie financière mondialisée avec l’écart qui se creuse entre pauvres et riches), que les réponses dépendent cependant fortement de l’époque et de la culture. On trouve déjà dans la Bible des réponses motivantes et contradictoires ; et c’est aussi bien comme ça, parce que cela ouvre l’espace de la liberté – et de la responsabilité. Je vois l’aspect salutogénétique comme un noyau de la théologie : les récits centraux – la libération d’Israël d’Égypte ainsi que la mort et la résurrection de Jésus, mais aussi de nombreux psaumes et le livre de Job – parlent du chemin à travers la souffrance vers une vie plus libre.
Je regrettais cependant l’absence d’accès émotionnel à mes questions dans la théologie universitaire. J’ai appris dans l’environnement de la danse méditative, le bibliodrame et les exercices ignatiens de la force du travail sur le corps et les émotions. Avec la formation en psychothérapie analytique existentielle d’après Alfried Längle, j’ai alors trouvé une méthode qui relie beaucoup de ces choses. En s’appuyant sur Viktor Frankl, celle-ci cherche à traiter les souffrances sur un mode actif et digne. Elle aide les gens à bien veiller à une action en accord avec votre intuition toute personnelle. Et elle oriente le regard, outre la souffrance, sur l’action créatrice possible et sur ce que la vie, simplement comme ça – de façon quasiment gratuite – nous offre de bien, si nous voulons seulement nous en emparer. Ces études à l’Université de Krems ont finalement complété mon acquis psychologique.
Travaillez-vous en tant que psychothérapeute indépendant ou travaillez-vous en outre en tant que psychothérapeute délégué ?
Après avoir travaillé pendant un moment en délégation, je me suis décidé en faveur de l’indépendance professionnelle, car j’aime collaborer d’égal à égal avec d’autres groupes professionnels. Cela correspond également ma compréhension émancipatrice de la psychothérapie. Il est important à mes yeux que l’indépendance ne conduise à la solitude. C’est la raison pour laquelle la mise en réseau avec des collègues du métier.
Y a-t-il encore une autre profession que vous exercez en sus de la psychothérapie ?
Cela fait bientôt dix ans que je ne travaille plus professionnellement qu’en tant que psychothérapeute. Entretenir le réseau nécessaire dans deux professions et la formation postgrade réclame à long terme beaucoup d’efforts – notamment si l’on veut encore consacrer du temps à sa famille.
Quelles est votre spécialisation ?
Un point fort est la thérapie des traumatismes. Je vis comme un cadeau le fait d’être le témoin de la manière avec laquelle des gens trouvent un soulagement d’événements douloureux qu’ils ont vécus et comment ils parviennent à reconstruire leur vie avec de nouvelles forces. Je travaille également de plus en plus avec des couples, ce que j’approfondis actuellement dans une formation postgrade.
Vous sentez-vous satisfait de votre situation professionnelle ?
Je trouve le travail psychothérapeutique très gratifiant. C’est pourquoi je réponds par oui. En ce qui concerne les conditions-cadres, il serait très important d’apporter des améliorations. Je suis impatient de voir le développement que connaîtra le modèle de la prescription.
Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez changer ?
Il est particulièrement important pour le domaine de la psychothérapie de questionner de façon critique l’économisation du domaine de la santé. Toute forme de pression conduit à ce que les patientes et les patients, mais aussi les thérapeutes ne peuvent pas s’adonner librement aux processus de changement. Cela veut dire : la pression diminue la qualité.
Qu’est-ce qui se trouverait au centre de votre action si vous étiez membre du comité de l’ASP ?
Le comité fait un très bon travail. Je regrette parfois que l’ASP reste un peu dans l’ombre d’autres associations. Son existence et ses forces sont peu connues – c’est du moins ainsi que je l’appréhende en dehors de la grande région de Zurich. C’est la raison pour laquelle je trouve qu’il est une bonne chose que le comité ait pris contact avec des étudiantes et étudiants en psychologie.
Qu’est-ce qui vous a amené à devenir membre de la commission de l’assurance qualité ? Dans quelle mesure pensez-vous que le travail de cette commission soit nécessaire dans l’environnement politique professionnel actuel ?
La CAQ se trouve en pleine mutation du fait qu’une partie importante de son ancienne mission, la vérification des normes de qualité des instituts de formation postgrade, qui a été aujourd’hui reprise par les administrations fédérales. Je tiens néanmoins pour important que l’association offre aux instituts pour l’échange sur les questions de l’assurance qualité. Le séminaire consacré à l’académisation de formation postgrade en psychothérapie donnera de nouvelles impulsions.
Quelle est votre vision de votre quotidien professionnel ?
J’attends en ce moment un peu avant de formuler des visions jusqu’à ce qu’un peu plus de clarté apparaisse à propos du modèle de la prescription. Je suppose que nous autres, qui travaillons jusqu’ici en tant psychothérapeutes, collaborerons un peu plus étroitement à l’avenir avec les psychiatres, du fait que de plus en plus de patientes et de patients s’adressent à nous avec de lourdes souffrances avec le décompte sur l’assurance de base. C’est la raison pour laquelle j’espère qu’une bonne entente se développera entre les groupes professionnels.
Emanuel Weber est psychothérapeute ASP reconnu au niveau fédéral et vit à Olten. Il est membre de l’ASP depuis 2013. E-mail : praxis@emanuel-weber.ch
L’interview a été mené par écrit par Veronica Defièbre.