Le principe herméneutique de base de la psychothérapie

Une bande dessinée sur la théorie des sciences psychothérapeutique

Kurt Greiner

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 7 (14) 2021 76–78

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2021-2-76

Cette bande dessinée1 sur la théorie des sciences psychothérapeutiques doit illustrer de façon amusante que l’accès comprenant le sens («herméneutique») représente un principe de base général, englobant toutes les écoles en psychothérapie. Ce projet est à cette occasion basé sur le prémisse que l’objet «psychique», auquel s’intéresse en soi aussi la psychothérapie, ne peut être à chaque fois uniquement «vécu subjectivement» (Schmidt, 1995). Cela veut dire que je n’ai à chaque fois que ma peur vécue, ma douleur vécue etc., et qu’en revanche Karin n’a à chaque fois que sa peur vécue, sa douleur vécue etc. et que Gregor n’a à chaque fois que sa peur vécue, sa douleur vécue etc. Karin et Gregor ne peuvent donc, à l’inverse, éprouver ma peur vécue que je puis éprouver leur douleur vécue.

L’être humain éprouve subjectivement … (Traurigkeit – la tristesse / Glück – le bonheur / Angst – la peur / Frust – la frustration / Freude – la joie / Liebe – l’amour / Wut – la colère / Furcht – l’angoisse / Lust – la plaisir / Ärger – la colère / Schmerz – la douleur)

Karin et Gregor peuvent cependant «comprendre» mon vécu subjectif et je peux «comprendre» leur vécu subjectif – à condition bien entendu que nous exprimions nos états d’âme sous une forme quelconque, les partagions d’une façon quelconque. Notamment en articulant une langage de termes, nous pouvons entrer en relation avec le psychisme, le nôtre et le vécu subjectif de notre prochain, et pouvons le contourner de manière à ce qu’il devienne intelligible et constatable pour nous.

L’être humain articule son vécu subjectif et le rend ainsi intelligible … (Schmetterlinge im Bauch – les papillons dans l’estomac)

En relation avec l’appréhension retraçable d’affirmations qui font référence aux états d’âme, Wilhelm Dilthey (1833–1911) a parlé de la «Triade : Vécu – Expression – Compréhension». L’historien allemand et philosophe, qui est considéré comme le fondateur de l’épistémologie des humanités modernes, a conceptualisé chaque schéma structurel tripartite de la recherche herméneutique dans le cadre de sa «psychologie comprenante», d’après laquelle son «vécu» subjective, tel qu’il veut être «compris», doit d’abord être seulement objectivé dans l’«expression». D’après Dilthey (1982), à la suite de quoi la «compréhension» fait toujours seulement référence aux formes et figures de l’«expression», dans lesquelles le «vécu» s’articule, jamais toutefois au «vécu», même dans son immédiateté. Dans la communication quotidienne, cette formule se concrétise de la manière suivante :

La triade de Dilthey au quotidien – Relation interpersonnelle : personne X — personne Y (pEE : Persönliche Erlebenswelt und Erfahrungswelt – le monde personnel de l’expérience et du vécu / Erleben – l’expérience / Ausdruck – l’expression / Verstehen – la compréhension / Interaktion im Alltag – l’interaction dans la vie quotidienne / Mensch – l’être humain / da sehe ich rot – je vois rouge / durch Eingliederung – par l’intégration)

1. Vécu : l’être humain X vit une expérience subjective (joie, énervement, peur etc.) dans le cadre de son monde de vécu et d’expérience personnel (pEE).

2. Expression : l’être humain X articule son vécu subjectif verbalement et non-verbalement.

3. Compréhension : l’être humain Y rend ce que dit l’être humain X intelligible en l’intégrant dans le cadre de son propre monde de vécu et d’expérience personnel (pEE).

4. Interaction au quotidien : selon cette particulière triade (1–2–3), qui fonctionne bien entendu dans les deux sens (X–Y/Y–X), l’événement de rencontre concrète se structure entre l’être humain X et l’être humain Y.

Nous retrouvons ce schéma structurel tripartite de l’herméneutique également en tant que principe de base en psychothérapie. La cliente ou le client thématise dans la situation thérapeutique entre autres des contenus d’expérience qu’elle ou il vit dans le cadre de son monde de vécu et d’expérience personnel(le) comme plus ou moins problématique. Le texte de souffrance2 verbal et non-verbal que la cliente ou le client produit, est appréhendé professionnellement par la ou le thérapeute de façon intelligible lorsqu’elle ou il l’intègre dans le contexte de la culture thérapeutique spécifique dans lequel la ou le thérapeute a été formé(e) et qui dirige son travail pratique. Il existe de nombreuses cultures thérapeutiques différentes, comme par exemple la psychologie des profondeurs, la théorie du comportement, les cultures thérapeutiques humaniste, existentielle, systémique ou transpersonnelle (Greiner, 2021), et la manière dont un texte de souffrance est compris dépend toujours de la culture thérapeutique particulière. Avec sa compréhension spécifique, la culture thérapeutique détermine également l’événement thérapeutique concret qui se développe entre la ou le thérapeute et la cliente ou le client.

La triade de Dilthey en psychothérapie – Relation professionnelle : Cliente ou client en C — Thérapeute en T (pEE : Persönliche Erlebenswelt und Erfahrungswelt – le monde personnel de l’expérience et du vécu / Erleben – l’expérience / Ausdruck – l’expression / Verstehen – la compréhension / T-K-Kooperation – la coopération thérapeute-client / Leidenstext – le texte sur la souffrance / durch Integration – par l’intégration / sTK : spezifische Therapiekultur – la culture spécifique de la thérapie)

1. Vécu : la client ou le client vit une expérience subjective (peurs, conflits, irritations etc.) dans le cadre de son monde de vécu et d’expérience personnel (pEE).

2. Expression : la client ou le client en C articule son vécu subjectif dans la situation thérapeutique en produisant son texte de souffrance verbal et non-verbal.

3. Compréhension : la ou le thérapeute rend le texte de souffrance de la cliente ou du client professionnellement intelligible à ses yeux en l’intégrant dans le contexte de pensée et d’action de sa culture thérapeutique spécifique (CTs).

4. Coopération thérapeute-client(e) : des formes psychothérapeutiques professionnelles concrètes de communication, d’interaction et d’intervention se constituent selon cette triade particulière (1–2–3).

Bibliographie

Dilthey, W. (1982). Abhandlungen zur Grundlegung der Geisteswissenschaften. Stuttgart/Göttingen: Teubner/Vandenhoeck & Ruprecht.

Greiner, K. (2020). Tiefenpsychologie als religionsähnliche Glaubensrichtung? ZfPFI, 7(1), 66–73.

Greiner, K. (2021). Akademische Psychotherapie. Wien: SFU Press.

Schmidt, N.D. (1995). Philosophie und Psychologie. Reinbek: Rowohlt.

Le professeur d’université Dr.Dr. Kurt Greiner est professeur de sciences psychothérapeutiques à l’université privée Sigmund Freud à Vienne. Depuis 2007, il enseigne et mène des recherches dans les domaines de la théorie des sciences psychothérapeutiques et de la méthodologie de la recherche dans les écoles de thérapie.
E-mail : kurt.greiner@sfu.ac.at

Anmerkungen

1 Tous les personnages de bande dessinée proviennent de l’auteur lui-même (© K. Greiner) et doivent être compris comme sexuellement neutres.

2 Chez Greiner (2020), il est question sous un rapport similaire de «signaux de souffrances psychiques».