La situation légale de la psychothérapie en France

Pierre Canouï

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 8 (15) 2022 62–63

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2022-1-62

La situation de la psychothérapie en France est particulière puisque la loi qui est en vigueur définit d’abord l’usage du titre de psychothérapeute. La pratique de la psychothérapie n’est pas, en France comme en Europe, considérée comme une profession à part entière. Le titre de psychothérapeute n’a pas valeur de qualification professionnelle : il indique une compétence que peuvent revendiquer certains professionnels, au premier rang psychologues et médecins.

Après de longues années de discussion et de combat, pour tenter d’encadrer la pratique de la psychothérapie, la France a adopté un cadre législatif. Il n’est pas inutile de rappeler que le but louable initial était de protéger nos concitoyens des charlatans, de lutter contre les dérives sectaires et d’offrir une garantie suffisante de professionnalisme à toute personnes qui s’adresserait à un psychothérapeute. Selon ce cadre législatif, pour utiliser le titre de psychothérapeute et en faire état, il faut obtenir son inscription sur le registre national des psychothérapeutes tenu par l’ARS (Agence Régional de Santé).1

En France le titre de psychothérapeute est protégé (Art 52 de la loi 2004-806 du 9 août 2004 et Décret n° 2010-534 du 20 mai 2010), étant réservé à des personnes titulaires d’un diplôme de niveau Master (Art 1er) en psychopathologie ou en psychanalyse et aux titulaires d’un doctorat en médecine qui satisfont à des exigences de formation complémentaire :

Un dispositif complémentaire est prévu, comprenant 400 heures de théorie et 5 mois de stage pour les candidats qui répondent aux conditions minimales d’accès à la formation sans pouvoir user du titre de psychologue. Les thèmes de ces formations post master sont: développement, fonctionnement et processus psychiques ; discernement des grandes pathologies psychiatriques ; théories se rapportant à la psychopathologie ; principales approches psychothérapiques.2 Cette formation n’est dispensée que par des établissements agrées par l’ARS.

La France est restée au milieu du gué

En effet ce cadre législatif, consacre uniquement l’usage d’un titre, celui de psychothérapeute mais il manque une définition du contenu des stages et une mention d’obligation d’apprentissage en supervision. Il manque aussi l’exigence d’une expérience personnelle de la psychothérapie, la connaissance approfondie d’au moins un méthode et les conditions nécessaires à l’exercice de la profession de psychothérapeute.

Nous savons que des instances internationales, depuis la déclaration de Strasbourg en 1990 – EAP –, 32 ans déjà, ont posées des fondements du contenu de la profession. Il est aisé de mettre le doigt sur le insuffisance de la loi française. D’une part des professionnels qui n’ont ni expérience personnelle de la psychothérapie, ni apprentissage approfondi dans une méthode, ni pratique de la supervision peuvent user du titre de psychothérapeute et exercer. D’autre part, il existe, en France, de très nombreux professionnels de la psychothérapie qui répondent aux critères internationaux mais ne peuvent pas user du titre de psychothérapeutes car ils ne sont ni médecins, ni psychologues, ni psychanalystes, ni détenteur d’un Master. Ces praticiens ont décidés d’user de la dénomination de psychopraticien ou d’utiliser le nom de leur méthode de psychothérapie : gestaltiste, transactionaliste, psychologue de la motivation, comportementaliste, voire même coach ou spécialiste en relation d’aide ou en thérapie relationnelle etc.

Comme il est une grande liberté et une tolérance suffisante dans l’exercice en France, à condition de respecter la législation en vigueur, ces praticiens peuvent exercer librement leur métier.

Ainsi l’organisation des la psychothérapeutes en France est protéiforme

Il y a des psychothérapeutes qui répondent au cadres législatifs décrits plus hauts. D’autres personnes pratiquent la psychothérapie mais ne pouvant user de ce titre, se servent de la dénomination de psychopraticien. Parmi eux, certains sont agrées par la FF2P3 et les autres fédérations qui ont adopté les critères de validations de l’EAP et du WCP. Mais il est aussi des psychopraticiens qui exercent sans répondre à ces critères, cette dénomination n’étant pas règlementée.

Concernant les psychanalystes, on peut faire la même remarque, certains sont membres de sociétés psychanalytiques et sont enregistrées sur leurs annuaires mais l’usage du titre de psychanalyste étant totalement libre, certains peuvent en user selon leur bon vouloir sans répondre aux critères d’admission des sociétés psychanalytiques. Le constat vient d’être faite par l’académie de médecine dans son rapport :

« La comparaison entre ce qui est exigé en France et dans les pays voisins comme formation préalable à la reconnaissance d’une compétence en psychothérapie révèle un écart que rien ne saurait justifier. La France doit se doter d’un référentiel structurant les offres d’enseignement théorique et pratique ouvrant un accès à cette compétence. »4

On ne peut que constater qu’il y aurait beaucoup de chemin à faire pour donner une véritable contenu au métier de psychothérapeute et faire reconnaître le profession de psychothérapeute comme une profession libre et autonome. Nous sommes bien resté au milieu du gué.

Dr Pierre Canouï est Président d’honneur de la FF2P et Directeur pédagogique de DU de Psychothérapie et Psychopathologie développementale Université de Paris Cité formation universitaire agrée par l’ARS pour l’obtention du titre de psychothérapeute.

Notes

1 Une ARS est un établissement public administratif de l’état français chargé de la mise en oeuvre et du pilotage de la politique de santé dans région. Elles sont sous la tutelle des ministères chargées des affaires sociales et de la santé. Il existe 18 ARS correspondant aux 18 régions françaises.

2 Rapport de l’académie nationale de médecine (18.01.2022): Olié, J. P. et al., Psychothérapies : une nécessaire organisation de l’offre.
https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2022/02/RAPPORT-Psychotherapies.pdf.

3 Il s’agit de psychopraticiens agrées FF2P qui tous répondent aux critères de l’EAP et WCP. La FF2P est la plus important fédération regroupant psychothérapeutes et psychopraticiens et psychanalystes.

4 Rapport de l’académie nationale de médecine (comme avant), p. 8.