Comment les psychothérapeutes soutiennent les droits de l’homme dans les zones de crise et de guerre

Peter Schulthess

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 8 (15) 2022 64–65

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2022-1-64

De la même manière qu’il était difficile de comprendre comment les guerres balkaniques de 1991–2001 en relation avec l’écroulement de la Yougoslavie pouvaient pratiquement se dérouler à quelques lieues de la Suisse, il est difficile de comprendre comment la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a pu devenir une réalité dans le but de rétablir les frontières historiques de l’empire russe, d’effacer l’Ukraine de la carte en tant qu’État et d’éliminer les Ukrainiens en tant que peuple. En tant que psychothérapeute, on est tenté d’interpréter cela comme une incapacité à accepter la chute d’anciens empires et d’en faire le deuil, et de chercher au lieu de cela de restaurer les anciennes frontières et statuts de puissances.

Les guerres génèrent une souffrance infinie

Quoi qu’il en soit, les guerres signifient toujours une immense souffrance infinie pour ceux qu’elles touchent. Nous vivons actuellement le grand flux de personnes qui fuient les zones de guerre en Ukraine pour sauver leur vie. Tous sont traumatisés et ont également besoin d’une aide psychothérapeutique et psychiatrique. D’où celle-ci peut-elle provenir ? Comment doit-elle être financée ?

Les psychothérapeutes se sentent liés aux droits humains. Les protéger fait partie de leur obligation éthique en tant que professionnels. Pendant les guerres balkaniques, de nombreux psychothérapeutes étaient, en coopération avec l’UNHCR, impliqués dans des projets destinés à apporter une aide psychothérapeutique aux adultes et aux enfants traumatisés par la guerre. Les universités se sont engagées et ont mené sur place des projets de recherche liés à des offres thérapeutiques. C’est prouvé par une certaine bibliographie.1 Des séminaires de formation ont été organisés afin de transmettre des compétences dans l’accompagnement des personnes traumatisées aux spécialistes et aux profanes sur place.

Les associations de psychothérapie apportent leur aide

Au cours des années passées, les associations psychothérapeutiques et certains de leurs membres ont lancé des initiatives visant à proposer et à développer l’aide psychothérapeutique dans les zones de crise. C’est ainsi que l’EAP (European Association for Psychotherapy) et l’EAGT (European Association for Gestalt Therapy) ont lancé en Ukraine, après la répression du mouvement de Maidan en 2014 différents projets destinés à supporter les collègues professionnels ukrainiens à accompagner les personnes traumatisées. Lorsque la guerre a éclaté, ces initiatives ont seulement été intensifiées.

Dans différents pays (ainsi p. ex. l’Ukraine, la Russie, la Roumanie, la Bulgarie, le Kosovo, l’Allemagne, la Grèce, l’Autriche et d’autres encore), les associations faîtières nationales de psychothérapeutes ont constitué des comités, appelé les membres des associations de mettre à disposition des ressources, avec un faible seuil et souvent à titre bénévole, afin de permettre à des collègues d’avoir accès à des supervisions et des formations continues ou des thérapies et des conseils à des personnes directement concernées. Notamment dans les pays qui accueillent des milliers de réfugiés et ont besoin d’une aide professionnelle parce que les capacités des structures de soins existantes.

Committee for Human Rights and Social Responsibility

L’EAGT a mis en place depuis des années un « Committee for Human Rights and Social Responsibility » qui propose le soutien bénévole par des spécialistes de l’association pour, par exemple aider le travail des « Peace Brigades »2 et l’accompagner. Les Peace Brigades sont une ONG qui accompagnent les activistes des droits de l’homme dans les pays en crise par leur présence. Un autre projet consiste à soutenir des volontaires dans les camps de réfugiés grecs. Le comité propose des programmes de formation en Ukraine et en Biélorussie afin d’aider les psychothérapeutes à développer leurs compétences et à leur prodiguer des formations continues. L’idée de base est que des volontaires travaillent dans des ONG et que des psychothérapeutes apportent également leur soutien en tant que volontaires en intervenant là où cela est souhaité et nécessaire. Le travail de ce comité est clairement décrit dans un livre récemment paru.3

Projets suisses et conférence internationale

Sur la suggestion d’un membre de l’ASP, il s’est également constitué au sein de l’ASP lors de l’assemblée des membres tenue le 11 avril 2022 un groupe de travail destiné à devenir au sein de l’association un organe auquel le grand public peut s’adresser, où les réfugiés en Suisse pourront trouver, avec un faible seuil, des psychothérapeutes qui sont prêts à apporter leur aide à titre bénévole ou à un tarif réduit si aucune assurance ne vient couvrir les frais ou si aucune solution d’assurance ne peut être trouvée. Le groupe de travail s’adressera bientôt aux membres de l’ASP.

La « Promotion Santé Suisse » a mis en ligne un site web destiné à promouvoir la santé de réfugiés sur lequel sont présentées des initiatives destinées à aider les réfugiés.4 L’EAP organisera les 15 et 16 octobre 2022 à Pristina une conférence destinée à la question de l’aide psychothérapeutique à l’attention des réfugiés en Europe. L’objectif est un échange d’expériences internationales sur des projets auxquels ceux et celles qui veulent aider les réfugiés peuvent apporter leur concours.

Peter Schulthess est membre du directoire de l’ASP et représente l’association au sein de l’EAP.

Notes

1 P. ex. Butollo, W. Hagl, M. & Krüsman, M. (2003). Kreativität und Destruktion posttraumatischer Bewältigung. Forschungsergebnisse und Thesen zum Leben nach dem Trauma. Stuttgart : Klett-Cotta.

3 Kato, J., Klaren, G. & Levi, N. (2022). Supporting Human Dignity in a collapsing Field. Siracusa : Istituto di Gestalt HCC Italy Publ. Co.