L’astérisque de genre est une agression

Marie Anne Nauer

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 8 (15) 2022 68–69

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2022-1-68

L’astérisque de genre – et avec lui également tous les signes revêtant un sens similaire – représente de multiples points de vue une agression. Il blesse les limites de la personnalité à de multiples niveaux.

L’utilisation de la langue genrée se présente, de façon similaire au mouvement woke et de la Cancel Culture, avec une exigence morale le long d’une frontière perméable à la terreur mentale. La dangerosité qui n’est désormais plus seulement latente de ces intolérances cumulées a été éclairée sous de multiples angles. Mais un aspect n’est à ma connaissance pas encore apparu – de manière significative, car il incarne le retour du refoulé.

L’agression langagière

On pourrait commencer par citer en premier lieu un bon ressenti de la langue : pour un psychothérapeute, le maniement de la langue est essentiel, et il existe également une déontologie de l’usage de la langue. Le non-sens linguistique des formes de genre a pu se répandre parce que ses adeptes ne savaient plus le latin et n’ont justement pas une grande conscience de la langue, bien qu’ils affirment le contraire ; c’est la raison pour laquelle ils ne savent pas que le genus grammatical ne peut pas être mis en équivalence avec le sexus biologique, et ils ne savent pas ce qu’est un générique, et qu’il existe également des génériques féminins.

L’agression neuropsychologique

Si je dois lire un astérisque toutes les deux phrases, mon flux de lecture et donc de pensée est en permanence détourné, et ma concentration est sensiblement perturbée. Je dois en outre aussi imaginer tout le temps comment je prononcerais ces mots si je me trouvais en situation de devoir le faire. Comme l’a récemment exposé une fois de plus le neuropsychologue Lutz Jäncke, cela veut dire qu’il y a un détournement permanent pour la psychè : le cerveau n’est pas fait pour cela

L’agression morale

Mais les défenseurs de la langue genrée fonctionnent seulement en invoquant une exigence orthodoxe, représentant le seul salut. Cela veut donc dire que je n’ai plus le droit de parler et d’écrire ma langue. Il faut dans cette mesure constater une analogie entre la discussion sur le genre et celle sur les nouveaux mots tabous – si j’utilise un tel mot, suis coupable de façon latente et criminalisé de façon immanente.

La contrainte langagière en tant qu’agression politique

Je considère que ces nouvelles tendances, qui sont pratiquées sous couvert de tolérance et sont en fait intolérantes au plus haut degré, sont très dangereuses. Nous n’avons jamais cessé de façon répétée de vivre ce à quoi l’instrumentalisation politique par la contrainte langagière peut conduire – cela se produit toujours dans des régimes dictatoriaux et autoritaires. Ces contraintes langagières des extrêmes droites et des extrêmes gauches dans l’Europe du 20ème siècle évoquent dans l’ensemble de mauvaises associations.

À quoi cela peut conduire, a été démontré par exemple par un cas survenu à l’université de Vienne, où un travail de master a été refusé parce que l’étudiante n’avait pas utilisé la forme genrée prescrite. Le cas survenu au conseil municipal de Zurich d’une motion non formulée en conformité avec l’écriture genrée devrait être connu dans toute la ville : le tribunal a heureusement décidé en faveur de la liberté d’expression.

Le fait que ces nouvelles contraintes proviennent principalement de la part de femmes et apparemment plus en douceur, ne leur enlève pas leur caractère contraignant. Mais la langue ne doit jamais être instrumentalisée ; la langue doit rester neutre. Aucune professeure supplémentaire n’a jamais été nommée à l’université du seul fait que l’ordonnance d’habilitation faisait état d’un(e) professeur*e ou de professeur-e-s ou de professeur:e:s. Si les femmes se sont émancipées, c’est de leurs propres forces et non grâce à la langue genrée, comme on a déjà pu le lire de façon concluante en différents endroits. Cette dernière est même, selon certaines études, contreproductive : l’écart – tel qu’il est – s’en trouve cimenté. Il ne s’agit pas non plus d’octroyer aux femmes ou aux minorités un statut de victime.

Ce qui est effrayant, c’est qu’une grande partie de l’appareil administratif ainsi que pratiquent tous les établissements de formation et de plus en plus de médias se laissent prendre dans cette nasse sans questionner le fond de la chose – sous le prétexte que : « On doit bien aujourd’hui … » Mais non ! On ne doit rien du tout ! Au contraire : la seule chose que l’on doit faire, c’est penser par soi-même, et oser aller contre le mainstream actuel. Le pays a besoin d’hommes neufs ! Et bien sûr aussi : de femmes neuves. Et de nouveaux queers – pas de victimes.

Car personne ne veut de cette genrisation. 80 % des Allemands rejettent la langue genrée. Lors de l’avant-dernière assemblée d’une association faîtière européenne, 16 délégués venant de 13 pays ont refusé la genrisation à l’unanimité.

L’agression sexuelle

Si – en tant que personne en général très tolérante et ouverte – je dois lire un astérisque toutes les deux phrases en étant ainsi contrainte, pendant une fraction de seconde, de me demander si les personnes auxquelles on se réfère sont des hommes, des femmes, des homosexuels, des lesbiennes, des bisexuels, des intersexuels, des transsexuels ou des asexuels, d’autres queers ou peut-être des sirènes ou des martiens1 et éventuellement de quelle manière ces personnes vivent éventuellement leur identité sexuelle, c’est-à-dire : ont des relations sexuelles, je ressens cela comme une agression et comme une violation des limites de ma personnalité. Je souhaiterais en effet tout simplement me concentrer sur le seul contenu généralement scientifique de l’article actuel, dans le contexte duquel le sexe des personnes agissantes ne joue la plupart du temps aucun rôle.

Conclusion

En tant que psychothérapeutes, nous aimerions conduire nos patients à la plus grande liberté individuelle possible, à se trouver eux-mêmes et à prendre leurs responsabilités en conséquence. Nous devrions donc faire très attention à nous et nous défendre contre les débuts – et ne pas aplanir le chemin d’une dictature (linguistique) intolérante, même si elle se présente sous couvert d’une nouvelle justice et tolérance. Ce ne peut pas être une option.

L’astérisque de genre (et tous ses parents politiquement corrects) représentent donc des agressions à de multiples niveaux et par conséquent profondément blessants pour la personnalité. Et ce qui est banni et doit être refoulé, à savoir l’agression, est – comme par magie ! – de retour. Seulement de façon plus sournoise qu’auparavant.

La Dr. Marie Anne Nauer est psychanalyste et psychologue de l’écriture en cabinet libre à Zurich. Elle dirige l’institut pour les sciences de l’écriture manuelle et l’académie pour l’écriture manuelle ainsi que la commission de déontologie de l’ASP.

Note

1 On peut comparer à ce sujet – les écriteaux pour toilettes – tout à fait délectables – de genre neutre chez Google.

Écriteaux pour toilettes de genre neutre chez Google