Prévention d’abus de pouvoir et de violations des limites

Franziska Greber

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 8 (15) 2022 73–73

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2022-1-73

Au cours des 40 dernières années – grâce aux mouvements féministes et plus tard également à #MeToo – le sujet de l’exploitation de dépendances est parvenu sous le feu des projecteurs. Des organisations telles que les écoles, les associations sportives, les églises, l’industrie du cinéma, des universités, les hôpitaux et les cliniques ont été de façon répétée clouées au pilori à côté d’auteur(e)s individuel(le)s, accusés de ne pas agir de façon préventive contre les abus de pouvoir ni d’intervenir activement contre des incidents, mais plutôt de les occulter.

On est longtemps parti du principe que les violations de l’intégrité présupposaient une relation de dépendance. Ce n’est que plus tard que les violations des limites se produisent également dans des relations symétriques. Diverses constellations relationnelles telles que les comportements de liaison, les dynamiques de violences, le comportement de l’environnement, les contextes, les estimations de la dangerosité et des mises en danger ont en outre été incluses dans les facteurs supplémentaires de violence. Cela n’a pas seulement étendu la vision, mais a également conduit à des approches, offres de conseils et bases juridiques.

On peut dans l’ensemble distinguer les formes de violence suivantes :

Constellations relationnelles et contextes

La violence survient dans différentes constellations relationnelles et contextes. Il peut ainsi s’agir de l’exercice de la violence propre vis-à-vis de la clientèle, de collègues dans la même entreprise, de spécialistes provenant d’autres organisations ou de personnes de l’espace social proche.

Il est en outre essentiel de constater si la violence a lieu dans une ou plusieurs constellations relationnelles, par exemple en tant que violence entre adultes, d’adultes à l’encontre des enfants, d’adolescents à l’encontre de leurs parents, entre enfants de même âge sous la forme de violence entre pairs, à l’encontre des frères et sœurs ou au sein de relations entre jeunes partenaires.

Les constellations relationnelles (p. ex. du père et en même temps d’un frère) doivent être tout autant prises en compte que la différenciation entre la mesure dans laquelle les victimes sont seulement victimes ou également auteur(e)s et si les auteur(e)s sont les seul(e)s à exercer de la violence ou sont également des victimes.

Il faut également noter que l’exercice de la violence se produit dans une ou plusieurs constellations relationnelles (violence multiconstellationnelle) ou aussi simultanément dans différents contextes (violence multicontextuelle), nous pensons à la violence dans l’espace sociale proche, dans l’organisation/dans les relations professionnelles, la violence structurelle, la violence organisée (p. ex. gangs).

Si on veut assurer la protection et la sécurité, il faut examiner toutes les possibilités et les inclure dans l’action.

Pouvoir et dépendance dans la psychothérapie

Les spécialistes disposent d’une compétence d’action et peuvent définir et pondérer les interactions professionnelles, économique, spirituelles, mentales et sanitaires de personnes cherchant à obtenir des conseils. La haute considération sociale, la compétence sociale et leur crédibilité soutiennent également leur pouvoir et leurs privilèges. C’est la raison pour laquelle ils ou elles portent la responsabilité et aussi l’obligation de s’orienter d’après les normes professionnelles qui déterminent leur action professionnelle. Avec leurs capacités et leurs sources de pouvoir, ils ou elles créent une culture qui promeut la dépendance.

Définir l’ajustement

La compréhension respective des différentes relations professionnelles est définie dans des images directrices, des directives éthiques et des règles de déontologie professionnelle. Il s’agit de façonner la relation, la responsabilité et les mesures à prendre dans le cas de violations de l’intégrité. La culture de l’entreprise et de l’organisation, les usages spécifiques à la profession et la compréhension culturelle et sociale générale sont décisifs dans la conduite à adopter avec les limites professionnelles. Différents ajustements spécifiques à la profession s’appliquent à différents contextes. C’est ainsi qu’une dentiste inflige éventuellement de la souffrance à une patiente lorsqu’elle fore et que la patiente y donne même son consentement. Le contexte du cabinet dentaire montre clairement que l’on peut ici ouvrir la bouche pour le traitement et qu’on ne doit pas montrer son billet comme dans le train. La responsabilité de la configuration et du respect de l’ajustement est toujours assumée par le professionnel.

Il apparaît dans la psychothérapie une proximité exceptionnelle, ce qui exige une clarification soigneuse, le respect, mais aussi la communication de l’ajustement. Les abus de pouvoir et les violations des limites sont la plupart du temps précédés d’une « Grooming Phase » (actions préparatoires). La victime et souvent aussi l’environnement social subissent au cours d’une phase préparatoire une action préférentielle et établissent une relation de confiance avec la personne qui doit être exploitée. Ceci rend une perception critique plus difficile. Des ajustements définis, transparents et communiqués exigent le contrôle de soi de la personne spécialiste et le contrôle de tiers, et sont des aides à la délimitation du fait qu’ils régulent la proximité et la distance. Le contrôle social est une possibilité de prévenir l’abus de pouvoir. Les écarts d’ajustement peuvent être mieux perçus, évoqués, stoppés et au besoin sanctionnés.

Auteur(e)s d’abus de pouvoir

Différentes causes et dynamiques peuvent être distinguées : ceux qui se valorisent de façon narcissique devant la victime, d’autres qui exploitent leurs victimes en toute conscience et de façon systématique, nient leur action et la dépendance existante et rejettent la faute sur la victime. En outre, on trouve des professionnels dans le besoin et déficients qui se considèrent comme des victimes, ne reconnaissent pas la dépendance existante de la véritable victime et se sentent eux-mêmes livrés et impuissants. D’autres rentrent insidieusement dans ces relations, auxquelles ils ou elles ne mettent pas fin par sentiment de culpabilité ou de honte ou parce qu’ils ou elles sont supposé(e)s se faire du souci pour la victime, en expliquant leur attitude à peu près ainsi : « On ne quitte pas les victimes suicidaires ou les victimes en difficulté économique. » Certaines personnes spécialistes, qui étaient à l’origine auteur(e)s deviennent finalement plus tard les victimes de leurs victimes et poursuivent la relation par peur que leurs manquements ne soient découverts ou des conséquences juridiques. Ces « victimes » et ultérieurement auteur(e)s profitent de leur connaissance de la culpabilité des « auteur(e)s d’origine, par exemple avec un dépôt de plainte encore en attente ou l’évocation de la menace d’une interdiction professionnelle. Ces personnes spécialistes sont ainsi mises sous pression. C’est la raison pour laquelle, même si elles font l’expérience de violences massives, elles ne cherchent souvent pas à se faire aider ou se contentent de thématiser la violence, mais pas la problématique de leur propre abus de pouvoir qui se cache derrière. Les maladies psychiques jouent également un rôle dans l’exercice de la violence.

Ces différenciations font ressortir les comportements de personnes exerçant de la violence, qui sont importants pour l’estimation de la dangerosité, et pour la décision relative aux interventions, aux ajustements d’entretiens et aux mesures.

Ambivalence, dilemme, liaison de survie

L’ambivalence et la dépendance ont longtemps servi à expliquer pourquoi la victime reste dans la relation violente. L’ambivalence est un déchirement qui a sa racine dans l’être humain lui-même et produit souvent un conflit d’ambivalence. Les victimes transfèrent également cette ambivalence sur les spécialistes en abordant ces derniers avec méfiance et en changeant constamment d’avis et de comportement.

Mais il existe aussi des victimes apparemment ambivalentes. Ces dernières se comportent certes comme des victimes ambivalentes, mais pour d’autres raisons. Elles disposent de suffisamment de ressources pour se séparer, mais ne le font pas parce qu’elles se trouvent dans un dilemme existentiel. Elles demeurent dans la relation de violence parce que la peur le leur dicte, ce qui est en ce sens une stratégie de survie.

Les relations de survie sont le signe d’auteur(e)s pathologiques et d’une dynamique de violence dangereuse. Le fait d’identifier une relation de survie et de la distinguer d’une liaison ambivalente revêt une signification centrale pour la sécurité de victimes, de tiers et également de la personne spécialiste. Les dilemmes existentiels et les relations de survie peuvent aussi se produire dans des relations avec ou sans dépendance. Les victimes ne sont en aucun cas responsables.

Personnaliser le comportement à adopter avec les abus de pouvoir

Les entreprises ne s’aperçoivent souvent que lorsqu’une crise aigüe éclate du caractère explosif que d’éventuelles erreurs et manquements de leur comportement a pu avoir. Dans le prolongement des discussions aujourd’hui menées en de nombreux endroits dans la relation thérapeutique, il est indispensable d’appliquer les connaissances acquises dans les organisations. La promotion de la prise de conscience du problème a un effet préventif élevé.

Les responsables de la direction désignent un service interne où s’adresser et un externe service spécialisé. L’importance du service spécialisé indépendant apparaît surtout dans les cas où l’abus de pouvoir a été commis par les responsables eux-mêmes. Le fait d’être soi-même impliqué, des sentiments de culpabilité et la relation à la personne accusée rendent les actions envisagées plus difficiles. Les entreprises sont souvent submergées par les émotions du personnel et de la hiérarchie ; il en résulte des actions irréfléchies. Des violations du pouvoir et des limites doivent entraîner des conséquences et un clair rejet de la faute sur la personne exerçant de la violence. L’observation a un effet préventif. Cette action en tant qu’attitude a pour les victimes un effet souvent sous-estimé et curatif et représente une base.

Les professionnels dans toutes les fonctions et niveaux de hiérarchie se sont engagés en faveur du dévoilement décidé de et du traitement des abus de pouvoir et des violations des limites. Ils ont un effet de clarification dans l’entreprise, dans sa pratique et dans le public et prennent également leur responsabilité sociale dans ces sujets. Une compréhension étendue de ces sujets représente une condition préalable centrale d’une procédure efficace et de la postvention – une stabilisation durable de la situation sans violence.

Le recours à des spécialistes spécialisés et d’organisations indépendantes est dans ces cas complexes mais tout de même central. C’est la seule manière d’atteindre la protection et l’intégrité de toutes les personnes touchées et impliquées ainsi que la responsabilisation des auteur(e)s. En dernier lieu, la responsabilité de l’égalité et de la diversité est également portée par le monde politique et l’État de droit.

Franziska Greber est psychothérapeute ASP, superviseuse et artiste. Elle a enseigné sur les sujets de la violence, de l’abus de pouvoir et des violations des limites. Dans sa création artistique, elle relie des sujets sociaux, les droits de l’homme et l’art. Elle a lancé en 2016 le projet artistique participatif international WOMEN IN THE DARK.