Aide aux pédophiles pour la protection von enfants

Interview avec Madame Monika Egli-Alge

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 8 (15) 2022 76–78

CC BY-NC-ND

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2022-1-76

En accomplissement des postulats « Ne pas devenir auteur » de la conseillère nationale Nathalie Rickli et du conseiller d’État Daniel Jositsch, le Conseil fédéral a rédigé en septembre 2020 le rapport « Offres de prévention destinées aux personnes attirées sexuellement par les enfants »1. À la suite de ce rapport, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a demandé une prise de position sur la question de faire connaître les mesures préventives qu’il considérait comme de nature à mener au but et appliquerait lui-même. À la recherche d’offres préventives en Suisse, nous sommes entre autres tombés sur le service spécialisé forio et aimerions contribuer à sensibiliser avec cet interview.

Madame Egli-Alge, vous êtes directrice générale du service spécialisé forio AG et affichez sur votre site web le slogan « Empêcher les abus – Exiger des changement ». Il manque en Suisse une offre complète, comme par exemple en Allemagne « Ne pas devenir un délinquant ». Comment êtes-vous parvenue à ce sujet ?

forio existe depuis 2004. Je me suis cependant déjà préoccupée avant cela délinquants dans le cadre de la médecine forensique, surtout avec des auteurs d’actes délictueux sur adolescents. J’ai entendu parler en 2005 du projet « Ne pas devenir un délinquant » en Allemagne. J’ai pensé que c’était une très bonne idée de proposer également une offre aux personnes qui n’avaient encore jamais commis de délits, donc de faire de la prévention. J’ai alors pris contact avec le professeur Klaus M. Beier de la Charité à Berlin. L’idée de proposer aux personnes concernées ayant cette particularité préférentielle un soutien avant qu’ils ne commettent des délits m’a plu. Ce que nous faisons chez forio comme par le passé, c’est de travailler avec des personnes qui ont déjà commis des délits, afin de prévenir les abus à cet endroit et de promouvoir les changements.

Quelle place attribueriez-vous à la prévention ?

Une place très élevée. Parce que les personnes qui ont commis une agression sexuelle présentent un risque de rechute élevé. C’est la raison pour laquelle il est important de leur proposer quelque chose avant qu’elles ne commettent un délit.

Comment atteignez-vous ces personnes ? Ça n’est sans doute pas très facile.

Notre quasi projet mère à Berlin « Ne pas devenir un délinquant » a, pour son lancement, mené une campagne dans les médias, avec clips vidéo dans les cinémas, à la télévision, avec une campagne d’affichage dans les transports publics. Ceci nous a permis d’aller très, très loin. Nous n’avons pour cela aucun moyen, nous sommes un institut indépendant. Nous n’aurions à cet effet jamais eu non plus la possibilité d’intercepter tous ceux qui se signaleraient à nous du fait d’une campagne. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de répondre à toutes les questions des journalistes. Nous avons ainsi fait un peu de travail de relations publiques pour notre offre. Les personnes concernées se signalent de deux manières : soit elles ont le courage d’appeler, ou bien elles utilisent un formulaire de contact sur le site web que nous avons mis en place. Elles cherchent également sur Internet et tombent ainsi sur nous.

Le Conseil fédéral a, du fait de postulats, publié le rapport « Offres de prévention destinées aux personnes attirées sexuellement par les enfants ». Ce rapport dit que le Conseil serait prêt à fournir une aide financière pour une offre de prévention. Avez-vous déjà déposé une demande d’aide financière auprès du Conseil fédéral ?

J’ai connaissance de ce rapport, je faisais partie à l’époque du groupe d’experts qui a rédigé le rapport final. Nous sommes également en contact avec l’Office Fédéral des Assurances Sociales afin de discuter de quelle manière ils peuvent nous soutenir. Lorsque je parle de « nous », je pensais alors à l’association « Ne pas devenir un délinquant Suisse ». Nous avons créé cette association en juin 2021. Il s’agit de quatre sites en réseau ou fournisseurs, à savoir l’UPK Basel, la PUK Zurich, la clinique universitaire de Genève et forio.

Un des problèmes semble être le fait que les offres existantes semblent essentiellement concerner le traitement des délinquants. Cela veut dire que l’on va toujours dans le sens du droit pénal au lieu de prévenir.

Oui, cela peut vraiment être un problème. Si les personnes concernées qui n’ont jamais commis un délit devaient s’inscrire à une médecine forensique, alors elles auraient tendance à ne pas le faire. Rien que du point de vue d’une approche thérapeutique, on peut cependant utiliser énormément de choses du traitement des délinquants, à savoir le contrôle de comportement. C’est en fait exactement la même chose pour ceux qui ont commis un délit.

Y aurait-il une autre voie que de placer la prévention au-dessus du traitement des délinquants ?

Bien entendu. Chez nous au forio, le traitement des délinquants représente le domaine principal. La prévention avec « Ne pas devenir un délinquant » est chez nous tout simplement un domaine propre sous le même toit. Les personnes concernées apprécient beaucoup le fait que nous nous appelions forio. Ce label nous donne l’avantage d’être privés, indépendants et on ne sait pas très bien ce qu’est ce forio. Il est pour les personnes concernées particulièrement important qu’elles ne soient pas stigmatisées dès qu’elles pénètrent dans le bâtiment. Le site de l’offre joue un grand rôle, et le label qui est le sien. Les collègues de l’UPK Basel ont entrepris énormément d’efforts pour voir où le projet est placé – sûrement pas dans la clinique forensique, mais dans la ville de Bâle à un endroit discret.

Nous sommes quant à nous l’association professionnelle des psychothérapeutes. Une enquête a été menée parmi les spécialistes qui montre que beaucoup ont peur de se confronter à ce sujet, qu’il y a également trop peu d’offres du côté thérapeutique. Quelle en est la raison ?

C’est une bonne question, à laquelle il est également difficile de répondre. Je suis moi-même aussi psychothérapeute et j’ai, au début de mon activité professionnelle, travaillé dans un service psychiatrique consacré aux enfants et à la jeunesse. Je n’aurais là presque pas pu imaginer de travailler avec des personnes qui violent les limites ou avec des personnes qui ont cette particularité préférentielle, peut-être du fait que je fais de la psychothérapie pour protéger les gens. Si l’on a soudain à voir avec des gens qui violent éventuellement les limites, cela devient très exigeant du point de vue de sa propre attitude. Je peux parfaitement comprendre les collègues établis dans leurs cabinets qui disent : « Ce n’est pas, je pense, quelque chose pour moi. » Il existe également un aspect professionnel. Les personnes concernées ont besoin d’un service spécialisé. Elles n’osent pas non plus vraiment d’aborder le sujet directement avec un ou une thérapeute. Lorsque des personnes concernées appellent chez nous, elles n’osent pas dire qu’elles ont besoin d’un rendez-vous concernant cette offre, parce qu’elles savent que nous la proposons. Cela abaisse le seuil et elles osent davantage.

Pour autant que je sache, la prévention de la pédophilie dans la formation de base, la formation continue et la formation complémentaire ne représente pas un sujet, mais devrait l’être. Si l’on considère les chiffres, il y a vraiment trop peu d’offres. Y a-t-il seulement en Suisse des enseignants qui seraient en mesure d’enseigner le sujet ?

Le sujet a impérativement sa place dans la formation de base et la formation complémentaire de psychologues, psychiatres et psychothérapeutes. De mon point de vue – et je peux également parler ici pour « Ne pas devenir un délinquant Suisse » – sur deux niveaux : en premier lieu dans la formation de base, afin que les collègues sachent que ce sujet existe, afin qu’ils sachent comment j’établis le diagnostic chez les personnes qui s’inscrivent chez moi, comment j’enregistre une anamnèse sexuelle et comment j’ose peut-être également aborder ce sujet, afin de pouvoir pousser plus loin mes questions, afin de détecter si quelqu’un a peut-être besoin d’aide. C’est le niveau de base. Le prochain niveau consiste à former dans le diagnostic et la thérapie à cette particularité préférentielle, où l’on peut se spécialiser en tant que psychothérapeute et même aussi proposer une offre de traitement. C’est quelque chose de très exigeant dans un cabinet psychothérapeutique installé et peut-être pas non plus le bon endroit. Nous ne cessons d’entendre que les personnes concernées préfèrent s’inscrire à un endroit qui offre déjà cette prestation.

Mais on a aussi besoin de spécialistes à cet endroit. Il est donc important que cette formation complémentaire existe afin que cette offre s’étoffe.

Il existe actuellement une offre de formation de base à l’attention des psychothérapeutes qui veulent travailler avec les personnes concernées, des offres de « Ne pas devenir un délinquant » en Allemagne. C’est de mon point de vue la meilleure offre de formation qui existe. On peut actuellement la passer en ligne, et cette formation de base est une exigence de base dans l’offre « Ne pas devenir un délinquant Suisse ». Nous sommes en contact très étroit avec l’Allemagne ; je siège dans les conseils consultatifs scientifiques et nous avons provisoirement décidé de ne rien offrir de spécifique en Suisse, mais d’utiliser cette offre. Ce que nous sommes en train de développer en Suisse c’est une offre de supervision pour psychothérapeutes qui travaillent déjà avec des personnes concernées par la préférence. Nous allons aussi sûrement organiser en suite des manifestations professionnelles pour les personnes intéressées.

Le sujet de la pédophilie est fortement stigmatisé dans la société. Il y a également besoin d’éclaircissements. Je comprends que c’est un exercice d’équilibrisme que de ne pas transformer les délinquants et délinquantes en victimes ou inversement. Y a-t-il des efforts pour parvenir aussi à sensibiliser la société ?

C’est un besoin qui existe. Le Conseil fédéral dit également dans son rapport que c’est un sujet important. La fédération met également des fonds à disposition pour le travail de relations publiques et la sensibilisation. C’est un sujet tout à fait important. Le professeur Beier est le premier en Europe à avoir commencé à discuter publiquement de ce sujet, et ce sans énervement et sans stigmatisation, mais à un niveau scientifique, en disant simplement que cette particularité préférentielle existe et qu’elle peut toucher tout le monde. On ne choisit pas. Mais les délinquants et délinquantes qui agressent des enfants ne sont pas tous pédophiles. C’est un fait scientifique.

Pouvez-vous encore un peu développer ?

Dans l’esprit des gens, les pédophiles sont des « violeurs et violeuses d’enfants ». Si on considère les délinquants et délinquantes d’un point de vue scientifique, on constate qu’environ 50 % de ceux qui commettent des délits sur les enfants sont des pédophiles. Les autres 50 % – cela change un peu selon les études – ne sont pas pédophiles, et n’ont donc pas cette particularité préférentielle.

Mais quel est donc le motif de ces derniers ?

Nous parlons de « motifs de rechange ». Les motifs de rechange sont très variés. Il peut s’agir d’exercer du pouvoir au moyen de la sexualité, d’exploiter la disponibilité, des motifs de vengeance de la mère de l’enfant etc.

Cela représenterait encore un sujet en soi. Quel message auriez-vous pour finir à adresser à nos lecteurs et lectrices pour prévenir la pédophilie ?

Lisez, informez-vous. Je dis tous les jours aux psychothérapeutes : soyez attentif et osez poser des questions à propos de la sexualité. Je conseillerais peut-être également à vos lecteurs et lectrices de savoir faire des distinctions. En ce qui me concerne personnellement et aussi mes collègues chez forio, une bonne ligne directrice à suivre dans le comportement à adopter avec ces personnes : nous condamnons les actes, mais pas les personnes. Aucune personne qui a une telle particularité préférentielle ne l’a choisie. C’est peut-être également un conseil à donner aux lecteurs et lectrices que d’adopter un instant l’angle de vue des personnes concernées, qui n’ont pas choisi cette particularité. C’est le destin.

Madame Egli-Alge, merci beaucoup de cet interview.

Monika Egli-Alge, lic. phil. I, est psychologue spécialisée en psychothérapie FSP, psychologue spécialisée FSP en psychologie du droit et directrice de forio AG.

Cet interview a été mené le 18 novembre 2021 par Marianne Roth.

Note