La pandémie du COVID-19 et le bien-être psychique de nos enfants et adolescents

Marianne Roth

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 8 (16) 2022 57–59

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2022-2-57

Dès la parution de son étude1 en 2016, le bureau BASS a constaté que les soins de santé psychiatriques-psychothérapeutiques d’enfants et d’adolescents psychiquement malades étaient caractérisés par un déficit et une déficience très nets. Les enfants et les adolescents devraient, en comparaison avec les adultes, non seulement attendre plus fréquemment, mais en moyenne aussi plus longtemps une place de thérapie, une clarification ou un traitement. C’est la raison pour laquelle il est alarmant de voir que le stress psychique chez les jeunes souffrant de façon aigüe a plus que doublé entre 2017 et 2020/21 selon le rapport Obsan (bulletin Obsan 02/2022). Les hospitalisations psychiatriques d’enfants et d’adolescents n’auraient jamais cessé d’augmenter depuis 2012. Il y avait donc, dès avant la pandémie COVID-19, une sorte d’état d’urgence.

On verra bien à quel point le passage du modèle de la délégation au modèle de la prescription, dans le cadre duquel les traitements psychothérapeutiques peuvent être décomptés via l’assurance de base, peut apporter un soulagement de cette situation. Celle-ci s’est encore aggravée lorsque la pandémie de COVID-19 s’est déclarée. Notamment depuis septembre 2020, on a assisté à une augmentation des dépressions, qui frappent entre autres plus fortement les filles et les jeunes femmes que les autres enfants et adolescents.

Une étude UNICEF fournit des chiffres

À la demande de l’UNICEF, des scientifiques d’Unisanté – Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne, ont réalisé entre le printemps et l’été 2021 une étude2 visant à examiner la santé psychique d’adolescents en Suisse et au Liechtenstein. Le résultat a été qualifié de très inquiétant par les auteur(e)s. L’enquête menée auprès de 1 097 adolescents et adolescentes âgés de 14 à 19 ans a conclu que 37 pour cent d’entre eux étaient affectés par des problèmes psychiques. 17 pour cent présentant des signes de troubles anxieux ont déjà essayé de s’ôter la vie. Parmi ceux-ci, 48 pour cent ont fait plusieurs tentatives de suicide. En outre, 29 pour cent des adolescents et adolescentes questionnés ont déclaré qu’ils ne pouvaient parler à personne de leurs problèmes. Parmi les participants et participantes, 69 pour cent ont déclaré avoir eu au moins une mauvaise expérience dans leur enfance. Chez les jeunes adultes présentant de signes de troubles anxieux ou de dépression, ce chiffre a grimpé à 89 pour cent.

Rapport final de l’étude réalisée à la demande de l’OFSP

Dans leur rapport final de l’enquête commandée par l’OFSP sur l’influence de la pandémie de COVID-193, les auteur(e)s parviennent à la conclusion que les plus jeunes générations sont particulièrement touchées. En comparaison avec les générations plus âgées, les enfants et les adolescents présentent un stress psychique plus élevé du fait de la pandémie de coronavirus. Les jeunes enfants présentent des troubles du comportement tandis que des troubles dépressifs et des symptômes d’anxiété sont apparus plus fréquemment chez les enfants et adolescents. Leur état dépend en outre fortement de la situation familiale et de la résistance des parents au stress. La situation familiale est un facteur ayant une influence importante sur la santé psychique de jeunes gens. Sont particulièrement affectées les situations de familles qui doivent assurer leur subsistance avec de faibles ressources financières, en dépit du chômage d’un des parents, mais aussi les familles monoparentales. Si leur foyer parental ne peut pas procurer de sécurité et d’orientation à des enfants, ces derniers ont tendance à être plus fortement affectés par les effets négatifs. Pour la résilience au stress des parents, l’environnement social, le soutien des voisins ou la situation existant au poste de travail, telle que la flexibilité de l’employeur, sont des facteurs importants. Nous avons pu expérimenter personnellement dans les zones de loisirs de proximité trop fréquentées et dans les forêts ainsi que sur les places de pique-nique surpeuplées la nécessité de passer du temps à l’air libre.

Le confinement resp. le déroulement du confinement a eu des effets plus prononcés sur le bien-être des jeunes adultes que sur celui des générations plus âgées. L’étude z-proso de l’université de Zurich, qui explore depuis 2004 l’évolution dans la vie du comportement social de 1 400 adolescents, a constaté que le bien-être au début du premier confinement en avril 2020 a été décrit comme détérioré par bien 30 pour cent des adolescents du fait de la pandémie. Après les assouplissements survenus en mai, ce chiffre était encore de 15 pour cent. Environ un tiers a déclaré se sentir mieux.

Le rapport final de l’OFSP souligne le fait que les enfants, les adolescents et les jeunes adultes sont particulièrement vulnérables du fait de cette phase de vie particulièrement sensible et prégnante en termes de psychologie du développement. Pendant la jeunesse, les activités corporelles, les contacts sociaux, l’école en tant que facteur de socialisation, le contact avec des amis et amies et des gens du même âge sont particulièrement importants. L’incertitude sur son propre avenir, un système familal tendu ou l’aggravation de conflits au sein des familles et la violence sont des stress supplémentaires. On peut craindre que le manque d’interaction sociale pourrait aussi avoir des conséquences à long terme et des effet négatifs sur le comportement relationnel de jeunes gens.

Le graphique montre la détresse psychologique pendant la pandémie de Covid-19 (semaine calendaire 14/2020 à 4/2021) pour différents groupes d'âge. On peut y voir la proportion de détresse psychologique moyenne à forte lors de la réouverture des écoles et des magasins, lors du nouveau renforcement des mesures et lors du deuxième lockdown.

Situation dans les écoles

Aux écoles du canton de Zurich l’étude Ciao Corona (Ulyte et al., 2020) a relevé de façon répétée des indications relatives au bien-être des écoliers en se concentrant sur les infections. Cette dernière a révélé que la satisfaction moyenne avec sa vie a baissé en janvier 2021 par rapport à l’été 2020 et que le stress ressenti a augmenté. Cette évolution est plus prononcée chez les enfants de plus de 10 ans que chez les écoliers et écolières plus jeunes.

Une enquête spéciale de la Swiss Corona Test Study a été menée auprès d’environ 400 lycéens et lycéennes dans la Suisse du nord-ouest (de Quervain et al., 2021), qui révèle que le stress psychique des adolescents reste élevé. La Corona Test Study avant déjà été réalisée en novembre 2020, et il est apparu que la proportion des personnes interrogées présentant des symptômes dépressifs lourds reste élevée avec 27 pour cent dans les deux enquêtes. La raison en est la pression scolaire élevée qui a découlé des cours manqués, des fermetures d’écoles, de la quarantaine etc. que la pandémie a générée et renforcée. Les facteurs de stress ont dans l’ensemble changé chez les adolescents. Si l’on craignait avant la pandémie de rater quelque chose, c’est la peur pour sa propre santé et le manque de contacts sociaux qui ont prédominé pendant le confinement.

Marianne Roth est directrice générale de l’ASP.

1 Prise en charge des personnes atteintes de maladies psychiques, rapport commandé par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

2 Psychische Gesundheit von Jugendlichen – Studie zur Situation in der Schweiz und Liechtenstein (www.unicef.ch).

3 Der Einfluss der COVID-19-Pandemie auf die psychische Gesundheit der Schweizer Bevölkerung und die psychiatrisch-psychotherapeutische Versorgung in der Schweiz (Stocker et al., B&A Beratungen und Analysen, Büro Bass, 2021).