Le processus de réaccréditation des programmes de formation continue précédemment accrédités est discutable sur les plans méthodologique, technique et juridique

Peter Schulthess

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 9 (18) 2023 62–64

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2023-2-62

Les formations continues menant au titre de psychothérapeute reconnu au niveau fédéral doivent être accréditées par le DFI (Département fédéral de l’intérieur). L’AAQ (Agence suisse d’accréditation et d’assurance qualité) effectue ces accréditations pour le compte de la Confédération. Le processus se déroule de telle manière que le prestataire d’une formation continue (l’organisme responsable) soumet à l’OFSP un rapport d’auto-évaluation sur la base d’un catalogue de critères spécifiés basés sur la LPsy (loi sur les professions psychologiques). L’OFSP l’examine formellement et, s’il le juge suffisant, le transmet à l’AAQ pour déclencher le processus d’accréditation. En concertation avec l’organisme responsable, l’AAQ désigne une équipe de trois experts qui se préparent sur la base du rapport d’auto-évaluation et dans le cadre d’une visite sur place et se font une idée du parcours de formation continue à travers des échanges avec la direction de l’institut, les enseignants, les étudiants et diplômé(e)s, puis établissent une recommandation à l’AAQ indiquant si les experts soutiennent ou non l’accréditation et quelles normes devraient être soumises à conditions. L’AAQ commente le rapport d’expertise et soumet une demande (éventuellement différente) d’accréditation ou de non-accréditation à l’attention du DFI. C’est à lui que revient la décision finale. Avant que le DFI ne remette sa décision, le rapport est transmis à la PsyCo (Commission des Professions de la psychologie), qui ne peut que donner son avis et ne peut faire aucune demande.

Selon LPsy, l’accréditation est valable pour une durée limitée de sept ans et doit sans cesse être renouvelée (réaccréditation). Toutefois, la procédure de réaccréditation est la même que celle valable pour une nouvelle accréditation.

Premier cycle d’accréditation

Dans le cadre d’une évaluation du premier cycle d’accréditation réalisée par l’OFSP, les organisations responsables des programmes examinés ont été invitées à commenter leurs expériences. L’ASP a dénoncé le fait que les équipes d’experts utilisaient des critères incohérents pour évaluer, par exemple, si un modèle de psychothérapie enseigné était suffisamment scientifiquement fondé. Il est également apparu que la composition des groupes d’experts était en partie déséquilibrée (surreprésentation des professeurs d’université ou des représentants des formations continues proposées dans les universités et donc de la thérapie comportementale). Selon la composition d’un groupe d’experts, tout ne serait qu’une question de chance. Il s’agit d’une inégalité de traitement inacceptable dans un processus d’accréditation avec des conséquences économiques majeures pour les personnes concernées. On pourrait s’attendre à ce que la situation s’améliore en vue du deuxième cycle d’accréditation, qui a débuté en 2023. L’AAQ a réduit la taille du groupe d’experts et fait ainsi appel de plus en plus aux mêmes personnes, censées être mieux préparées à leur tâche et dont l’expérience croissante conduirait à une interprétation plus uniforme des critères d’évaluation.

Deuxième cycle d’accréditation

Les premières expériences ont désormais été acquises avec le deuxième cycle d’accréditation qui vient de démarrer. Elles suggèrent que la qualité de la procédure ne s’est pas améliorée. La surreprésentation des professeurs d’université, souvent friands de thérapie comportementale, se traduit par l’influence d’une certaine compréhension de la science et de la recherche et d’une certaine manière de dispenser la formation continue, y compris la conception de l’encadrement, qui repose sur la manière pratiquée dans leurs universités et doit être à leurs yeux considérée comme la « référence » pour toutes les procédures thérapeutiques, sans aucune base scientifique. Cet état de cause devrait entrer en conflit avec le principe constitutionnel d’égalité juridique et de neutralité concurrentielle. Avec une telle composition d’équipes d’experts, les formations continues approfondies en psychologie et en humanisme sont placées sous de mauvais augures.

Dans les procédures que j’ai connues, les experts et la représentante de l’AAQ ne faisaient aucunement référence aux rapports d’accréditation initiaux et aux exigences qui y étaient respectées. La deuxième accréditation s’effectue comme s’il s’agissait d’une première accréditation et non d’une réaccréditation d’une formation continue déjà accréditée. Dans deux cas, je sais que le nouveau groupe d’experts est arrivé à la conclusion que les programmes ne garantiraient pas la réalisation des objectifs de la loi LPsy, même si leur qualité a été améliorée entre-temps.

Apparemment, l’OFSP aurait demandé aux experts de ne pas tenir compte des évaluations de l’accréditation initiale, car certaines normes auraient changé. Il s’agit selon moi d’une ingérence inadmissible dans le processus d’accréditation, qui relève de la responsabilité de l’AAQ (absence de séparation des pouvoirs), et qui viole les normes de qualité habituelles des processus de réaccréditation.

Des jugements douteux

Comment se fait-il qu’un programme ait été certifié lors de l’accréditation initiale comme atteignant les objectifs de la loi LPsy, et que sept ans plus tard, un nouveau groupe d’experts juge que c’est loin d’être le cas sans pour autant examiner les évaluations de l’accréditation initiale ni la différence d’évaluation qui s’est produite ? Il faut que quelque chose de grave se soit produit pour que l’accréditation initiale soit contredite au moment de la réaccréditation. Il faudrait justifier dans quelle mesure la qualité s’est détériorée depuis lors. Une évaluation qui s’écarte si fondamentalement de la première accréditation signifie une disqualification du groupe d’experts précédent, le nouveau groupe imposant sa propre nouvelle interprétation des normes par rapport à l’autre. Ce n’est pas sérieux !

Une comparaison textuelle des rapports d’expertises dont je disposais a également révélé que des raisons identiques (selon le système du copier-coller) étaient invoquées pour justifier le non-respect de plusieurs normes. Cela suggère que ce ne sont pas les présidents du groupe d’experts qui rédigent ces rapports, comme cela est effectivement requis, mais la personne responsable de l’AAQ qui a participé aux deux procédures, car elle seule connaît les deux procédures d’accréditation et a la possibilité de travailler avec le processus du copier-coller. Cela soulève des doutes quant au sérieux du travail de l’AAQ. Je m’en suis rendu compte lors du premier cycle d’accréditation, où l’organisme a même oublié d’adapter ne serait-ce que le nom du programme correspondant dans le bloc de texte copié ! Lorsque je m’en suis plaint à l’époque, j’ai reçu des excuses expliquant qu’il s’agissait d’une contrainte de temps.

Comment se fait-il qu’une agence de (ré)accréditation et d’assurance qualité permette un tel travail par un groupe d’experts ? L’assurance qualité, c’est aussi le développement de la qualité, comme l’affirme à juste titre l’AAQ sur son site Internet. Cependant, afin d’évaluer le développement de la qualité dans un programme, il est essentiel de partir du statut de la première accréditation et ainsi d’évaluer son évolution. C’est le seul moyen d’évaluer si la qualité d’une formation continue s’est améliorée ou détériorée. Ne pas le faire est contraire aux normes internationales d’un processus de réaccréditation. Cela ne peut rester sans contestation !

Une observation critique plus approfondie est nécessaire

Je vais continuer de surveiller de manière critique les progrès du processus d’accréditation actuel et demanderai à toutes les organisations responsables de m’envoyer leurs rapports d’auto-évaluation, rapports d’experts, rapports de l’AAQ, déclarations de la PsyCo, décisions du DFI et leurs déclarations respectives à leur sujet. Je les traiterai certes de manière confidentielle, mais je les comparerai et les évaluerai en ce qui concerne l’égalité de traitement juridique et le respect des principes de qualité dans les procédures d’accréditation. En accréditant chaque formation individuellement, l’OFSP, en coordination avec l’AAQ, a créé une situation visant à « diviser pour mieux régner ». Toutefois, aucun arbitraire ne saurait être toléré dans l’évaluation de la structure et de la qualité des formations continues ni aucun abus de pouvoir de la part des experts en faveur de leurs propres formations continues. La situation de concurrence entre les formations continues s’est intensifiée depuis l’introduction du modèle de la prescription, ce qui peut réduire l’inhibition de certains experts à abuser de leur pouvoir. Nous connaissons parfaitement cette dynamique en Allemagne. Il est d’autant plus important que les prestataires de formation continue non universitaires fassent preuve de transparence les uns envers les autres afin de pouvoir faire évaluer ensemble légalement la totalité du processus de réaccréditation et, si nécessaire, prendre des mesures communes à son encontre.

Peter Schulthess est membre du conseil d’administration de l’ASP et responsable des formations continues.