Marianne Roth
à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 10 (19) 2024 46–47
https://doi.org/10.30820/2504-5199-2024-1-46
Dans une prise de position1 qui mérite d’être lue, la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEJ) fait référence aux problèmes psychiques chez les enfants et les jeunes, ce qui représente actuellement le défi le plus fréquent en matière de santé. De nombreuses sources et études confirment ce fait. C’est ainsi qu’une étude de l’UNICEF2 rapporte que 37 % des 14-19 ans vivant en Suisse et au Lichtenstein souffrent de problèmes psychiques. 8 % auraient tenté de mettre fin à leurs jours et 29,1 % ne parleraient à personne de leurs problèmes. Les jeunes justifient cela par de mauvaises expériences vécues au cours de leur enfance (89 %), le harcèlement et l’intimidation à l’école (44,4 %), le fait de se sentir sans protection et mal aimé (28,4 %), l’humiliation verbale (25,2 %) ou les expériences de discrimination en raison de l’orientation sexuelle (12,9 %).
La prise de position fait référence au fait que la charge mentale chez les jeunes est toujours plus élevée qu’avant la pandémie du COVID-19. Il est étonnant de constater que cette charge est bien plus prononcée chez les jeunes femmes avec 36 % que chez les jeunes hommes avec seulement 15 %. La CFEJ en conclut que les jeunes constituent un groupe particulièrement vulnérable et qu’il convient d’agir plus urgemment afin de promouvoir et de protéger leur santé psychique. La bibliographie détaillée en annexe du document fournit une preuve impressionnante de cette constatation.
Un manque criant de prise en charge
En ce qui concerne le soutien aux jeunes ayant des problèmes psychiques, il existe un déficit de soins qui représente un écart marqué par rapport aux besoins. Cela s’explique notamment par le fait que les soins se concentrent généralement sur les troubles psychiques dans leur intégralité et que l’on accorde trop peu d’attention aux problèmes psychiques subcliniques, alors qu’ils devraient faire l’objet de mesures préventives efficaces et prometteuses. C’est pour cette raison et en raison du manque de prise en charge que de nombreux adolescents ne demandent pas d’aide. On estime à 375 000 le nombre de personnes qui ne demanderaient pas d’aide malgré leurs problèmes psychiques. Sans oublier que les normes sociales jouent un rôle dans la recherche d’aide, poussant les jeunes femmes à demander plus souvent de l’aide que les jeunes hommes.
La CFEJ fait la différence entre différents interlocuteurs et diverses sources auprès desquelles les personnes concernées recherchent de l’aide. Les experts tels que les psychologues, les psychiatres et les médecins apportent une aide formelle ; les experts sans rôle spécifique dans la prise en charge psychique tels que les enseignant(e)s et les assistant(e)s sociaux/sociales apportent une aide semi-formelle ; enfin, les personnes telles que les ami(e)s, les conjoint(e)s, les collègues et les cellules d’entraide (informations sur un site Web, programme en ligne) apportent une aide informelle. Tous ces organes devraient être renforcés et élargis.
Les obstacles à la recherche d’aide
Pour les jeunes gens, la stigmatisation constitue un obstacle plus important que pour les personnes plus âgées. Les jeunes n’ont souvent pas encore les compétences médicales nécessaires et donc la possibilité de détecter un problème d’ordre psychique. L’étude mentionne également la problématique des personnes issues de l’immigration qui, par manque d’information, ont difficilement accès au système de soins. L’arrière-plan culturel peut également jouer un rôle, lequel peut accorder à la santé psychique une autre valeur. Sans oublier les raisons économiques empêchant de demander de l’aide. Enfin, les enfants qui grandissent dans la pauvreté sont plus exposés à la stigmatisation et donc plus isolés, ce qui peut avoir un impact durable sur leur développement et leur santé psychique. En d’autres termes, les aspects sociaux définissent également en grande partie la santé psychique des enfants et des adolescents.
D’autres obstacles sont de nature systémique, tels qu’un manque de prise en charge des frais pour le traitement de problèmes psychiques. Par ailleurs, il règne une grave pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans le secteur du traitement psychique des jeunes. La CFEJ estime que le problème ne réside pas seulement dans le manque de personnel qualifié, mais aussi dans le fait que les offres ne sont pas suffisamment axées sur les besoins des groupes d’intérêts des jeunes. Elle recommande donc d’impliquer les jeunes gens dans la création et le façonnement d’offres adéquates.
Recommandations
La CFEJ présente un éventail de mesures visant à améliorer la situation par rapport à la santé psychique des jeunes. Outre un suivi à long terme pour améliorer les données, elle propose des mesures structurelles, par exemple la participation politique et sociale des enfants et des jeunes, des mesures préventives pour empêcher la violence et la discrimination, le renforcement des liens sociaux et de l’appartenance à un groupe, l’offre de perspectives en temps de crise et de défis mondiaux, le renforcement des compétences médiatiques et„ le soutien dans l’utilisation des médias sociaux. Il s’agit également de réduire la pression exercée à l’école et d’encourager le jeu libre, etc. Enfin, les mesures visant à améliorer l’offre en matière de soins sont énumérées. C’est ainsi que les capacités d’offres ambulantes et stationnaires doivent prendre de l’ampleur et que les informations relatives aux offres de soutien et de conseil doivent être améliorées. Reste à savoir si les recommandations certes ambitieuses mais justifiées trouveront écho au niveau politique ainsi qu’un financement.
Marianne Roth est ancienne directrice de l’ASP.
1 CFEJ : promotion durable de la santé psychique chez les enfants et les adolescents. Une prise de position de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse. Berne, mars 2024.
2 UNICEF : la santé psychique des adolescents. Étude concernant la situation en Suisse et au Lichtenstein. Zurich, 2021.