Le souffre-douleur de la psychothérapie et des frais médicaux

Marianne Roth

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 10 (19) 2024 50–51

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2024-1-50

Le point de départ de cet article sont les publications du NZZ parues en date du 11 juin 2023 (« Psychotherapien : Kosten explodieren », Psychothérapies : les frais explosent, en français) ainsi que le communiqué de presse de santésuisse du 4 février 2024, selon lesquels la psychothérapie, la physiothérapie ainsi que les soins seraient les facteurs de hausse des coûts des primes d’assurance-maladie. Il s’agit là d’une présentation réductrice qui ne permet pas d’avoir une vision globale de l’économie nationale. Sans oublier que ces documents ne tiennent pas compte de l’état de santé de la population suisse, qui a subi des dommages avérés à la suite de la pandémie du coronavirus et dont les conséquences touchent encore aujourd’hui particulièrement les jeunes. En ce qui concerne les coûts, le Conseil fédéral a indiqué dans son rapport final du 21 juin 2023 sur les conséquences de la pandémie que les coûts directs de la santé entre 2020 et 2022 auraient coûté 5 milliards de francs à la Confédération et entre 2,3 et 2,9 milliards aux cantons. Il n’est pas question de tout cela dans les communiqués de la NZZ et de santésuisse mentionnés plus haut.

La psychothérapie entre dans une nouvelle ère

Le passage du modèle de délégation au modèle de la prescription a entraîné un transfert de coûts dont les effets ne sont pas encore définitivement prévisibles. Jusqu’à ce changement, les psychothérapeutes délégué(e)s étaient employé(e)s dans un cabinet médical, ce qui permettait aux médecins de facturer une thérapie via l’assurance de base et d’employer plusieurs délégués. Avec l’abolition du modèle de la délégation, de nombreux psychothérapeutes travaillant jusqu’alors par délégation ont donc décidé de se mettre à leur compte.

Avant le changement de modèle, les psychothérapeutes travaillant à leur compte ne pouvaient facturer leurs thérapies que par le biais d’une assurance complémentaire ou se faire rembourser par des tiers-payants. L’assurance complémentaire ne paie qu’un pourcentage fixé par la caisse d’assurance maladie correspondante d’une thérapie. Là où le patient(e) paie le reste des frais. Cela a empêché de nombreuses personnes qui auraient eu besoin d’une psychothérapie de consulter en cabinet, puisqu’elles ne disposaient pas d’une assurance complémentaire ou n’avaient pas les moyens d’en souscrire une.

Il reste possible de souscrire à une assurance complémentaire. Toutefois, si la personne à son compte opte pour la facturation via l’assurance de base, l’accès à l’assurance complémentaire n’est plus possible en raison de dispositions légales (art. 44 de la loi LAMal sur la protection tarifaire). Par conséquent, les patient(e)s doivent en être informé(e)s au cours du premier entretien.

Les véritables facteurs de coûts

Dans son communiqué du 4 février 2024, santésuisse indique que les médicaments constituent environ un quart de l’ensemble des frais de l’assurance de base, ce qui représenterait environ 9,6 milliards de francs et signifierait que les coûts auraient augmenté de près de 0,5 milliards de francs. Les médicaments contre le cancer et les immunosuppresseurs représenteraient à eux seuls 1,3 milliard de francs chacun. Une croissance des coûts pour les médecins de 0,5 milliard de francs doit également être mentionnée ici, sans parler des coûts hospitaliers.

Si l’on ajoute à cela les 785 millions de francs de coûts de la psychothérapie en 2023 mentionnés dans le même communiqué, il est tout simplement présomptueux de désigner la psychothérapie comme un facteur de hausse des coûts, même si la croissance des coûts en 2023 s’élève à environ 220 millions de francs, ce qui, à la lumière du changement de modèle, était également prévisible. Le Conseil fédéral prévoit à plus long terme des coûts supplémentaires à hauteur de 270 millions de francs. Dans sa communication du 8 décembre 2023 (« Promotion des génériques et réduction des prix des médicaments »), l’Office fédéral de la santé publique écrit que le prix des médicaments génériques en Suisse est deux fois plus élevé qu’à l’étranger. De plus, la proportion de génériques prescrits est également particulièrement faible par rapport à l’étranger.

Ce n’est cependant pas un hasard si, dans le communiqué susmentionné, adopté sans réflexion par certains médias, santésuisse présente la psychothérapie, la physiothérapie et les soins comme des facteurs de coûts. C’est également dans ces domaines que les assureurs s’obstinent à baisser les tarifs et comptent apparemment sur l’épuisement des interlocuteurs lorsqu’ils négocient un tarif pour la psychothérapie.

L’individu doit être la priorité

Le fait est que le modèle de la prescription permet enfin à des groupes de personnes particulièrement vulnérables d’avoir accès à une thérapie, ce qui permet, par exemple, d’éviter des maladies chroniques. Même si les coûts des soins de santé sont des chiffres bruts, l’aspect éthique et social ne doit en aucun cas être négligé, d’autant plus que les assureurs maladie soulignent toujours qu’ils se soucient du bien-être des patient(e)s. Enfin, le Conseil fédéral a voulu profiter du changement de modèle pour réduire un goulot d’étranglement dans l’offre et promouvoir un accès plus facile et plus rapide à la psychothérapie.

Marianne Roth est ancienne directrice de l’ASP.