Mario Schlegel & Peter Schulthess
à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 10 (20) 2024 45–46
https://doi.org/10.30820/2504-5199-2024-2-45
Ernst Spengler est décédé le 15 septembre à l’âge de 89 ans des suites d’une brève maladie. Les psychothérapeutes suisses lui sont on ne peut plus redevables. En effet, il a été l’un des membres fondateurs de la première association Suisse des psychothérapeutes, qui portait à l’époque le nom de SPV.
Dès 1979, lui et quelques confrères ont reconnu la nécessité d’une profession qui devait représenter les intérêts des psychothérapeutes, qui étaient jusqu’alors totalement inorganisés, ne recevaient aucun remboursement de la part des caisses d’assurance maladie et se trouvaient face à un corps médical bien organisé et puissant. À la création de la SPV, un accord a été passé avec la SSP, stipulant que la SPV représenterait la psychothérapie, tandis que la FSP serait compétente pour la psychologie. Cet accord a ensuite été rompu par la FSP, ce qui a créé une situation de concurrence dans le domaine de la psychothérapie. En effet, la FSP voyait la psychothérapie comme une profession relevant du domaine de la psychologie, tandis que la SPV défendait la psychothérapie en tant que profession scientifique indépendante.
La SPV est devenu le premier interlocuteur avec les caisses d’assurance maladie, ce qui a conduit le « Krankenfürsorge Winterthur » à faire un essai de remboursement partiel des psychothérapies par l’assurance de base. D’autres caisses ont adopté ce modèle. Cette possibilité a été supprimée dès l’entrée en vigueur de la nouvelle loi LAMal. Lorsqu’il s’est agi, au début des années 1990, d’introduire la psychothérapie comme prestation obligatoire des caisses d’assurance maladie, les grands conflits ont commencé. En effet, les universités revendiquaient ce marché pour les psychologues et ne voulaient pas autoriser les thérapeutes n’ayant pas fait d’études de psychologie. Les négociations n’ont pu être poursuivies qu’après l’entrée en vigueur de la LPsy, qui a réglementé la psychothérapie en tant que profession psychologique en Suisse. La SPV n’a pas réussi à convaincre les politiques de l’utilité de deux lois, l’une pour la psychothérapie en tant que profession à part entière et l’autre pour la psychologie.
Ernst Spengler a joué un rôle essentiel dans les négociations avec les autorités et l’association des psychologues, en collaboration avec le président fondateur Heinrich Balmer. Il s’agissait d’abord de vérifier la conformité avec la loi de toutes les dispositions cantonales, contre lesquelles il fallait souvent déposer un recours Un travail de Titan. Ernst Spengler et Heinrich Balmer ont obtenu un jugement du Tribunal fédéral confirmant que la psychothérapie était une discipline scientifique à part entière. Comme il n’existe pas de juridiction constitutionnelle en Suisse, ce jugement n’a pas pu être appliqué dans la pratique de la politique professionnelle. En revanche, ce jugement a servi d’idée de base à l’European Asssociation for Psychotherapy (EAP), qu’Ernst Spengler a présidée pendant un an et dont il a rédigé les statuts.
De 1979 à 1990, Ernst Spengler a été vice-président de la SPV, puis son président pendant 2 ans. Il faisait preuve d’un professionnalisme absolu dans toutes ses tâches, disposait d’excellentes relations, maîtrisait une éloquence irréfutable et disposait d’une solide expérience politique en tant que président d’un parti d’arrondissement libéral-radical zurichois du PLR et d’une grande expérience journalistique en tant que rédacteur de la gazette zurichoise NZZ. Sans lui, la SPV ne serait pas devenue ce qu’elle était : une association professionnelle combative défendant la cause de la psychothérapie en tant que profession scientifique à part entière, association qui n’hésitait pas à faire appel à la justice.
Mais Ernst Spengler était également actif sur le plan scientifique et était chargé de cours, analyste enseignant et superviseur à l’Institut C. G. Jung. Un de ses livres, dans lequel il partage beaucoup de ses expériences politiques pour la psychothérapie et où il faisait preuve d’un grand esprit critique, est paru en 2001 aux éditions Daimon (en allemand) : Psychotherapie und das Bild vom Menschen. Ontologie, Erkenntnistheorie und wissenschaftliche « Objektivität ».
Enfin, il était pour moi, Mario Schlegel, un bon collègue, plein d’humour et fiable.
Moi, Peter Schulthess, je suis reconnaissant d’avoir pu le voir une dernière une fois, à un âge avancé, en novembre 2023, à l’occasion d’une discussion sur l’une de ses publications pour la revue à jour ! et d’avoir pu en apprendre davantage sur le côté privé de ce politicien professionnel engagé. Je garde un bon souvenir de son esprit vif et de son large champ d’intérêt.
Ceux qui souhaitent se faire une idée plus précise du défunt peuvent consulter son site web sur https://ernstspengler.ch
Mario Schlegel est psychothérapeute reconnu au niveau fédéral et ancien membre de l’ASP ; il a dirigé la commission scientifique de la Charte pendant de nombreuses années. Il connaissait Ernst Spengler de l’Institut C. G. Jung, dont il faisait également partie et où il enseigne toujours. Mario Schlegel y a adhéré peu après la fondation de la SPV et y travaille toujours activement, actuellement encore en tant que rédacteur de Science psychothérapeutique.
Peter Schulthess est psychothérapeute reconnu au niveau fédéral (ASP), rédacteur en chef de à jour ! – Évolution de la profession de psychothérapeute, de Science psychothérapeutique et ancien président de la Charte suisse pour la psychothérapie. Il a fait la connaissance d’Ernst Spengler en tant que vice-président de la SPV environ deux ans après la création de l’association et a ainsi pu suivre son parcours pendant toutes ces années.