Ce que les psychiatres peuvent apprendre des psychologues

Ursula Davatz

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 10 (20) 2024 47–48

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2024-2-47

Les soins psychiatriques commencent à être entièrement pris en charge par les psychologues. La formation médicale ne donne plus suffisamment de psychiatres, et ce depuis longtemps. La spécialité de la psychiatrie semble avoir perdu son attractivité auprès des étudiants en médecine. En tant que psychiatre de formation systémique, je n’en suis pas particulièrement mécontente. Au contraire, cette évolution recèle peut-être même une chance pour la psychiatrie, mais seulement à certaines conditions, c’est-à-dire que les psychologues ne se contentent pas de suivre aveuglément le modèle médical ou de le copier sans se poser de questions, ce qui serait un inconvénient de taille pour les soins psychiatriques.

Le modèle médical

La formation en médecine consiste en premier lieu à reconnaître les symptômes de la maladie, à établir un diagnostic à partir de la liste de contrôle des symptômes et à choisir les médicaments psychotropes appropriés pour combattre les symptômes en question. Dans le cas d’une maladie infectieuse ou d’un diabète, d’une insuffisance cardiaque ou d’une maladie rénale, ce schéma d’action est absolument judicieux. En cas de souffrance psychique, ce modèle médical d’approche est toutefois beaucoup trop limité. Aussi utiles que puissent être les psychotropes dans une crise psychique aiguë, ils ne résolvent jamais les problèmes sous-jacents et profonds.

Le cerveau n’est pas un organe corporel ordinaire et ne peut donc pas être traité comme les autres organes. Le cerveau est un organe social chargé de l’adaptation de l’individu au sein de son environnement social. Dans cette fonction, il oscille entre les pôles consistant à s’imposer au sein de son contexte psychosocial ou à s’adapter aux conditions psychosociales. Le modèle médical, c’est-à-dire le traitement par psychotropes, favorise en premier lieu l’adaptation aux exigences sociétales, l’affirmation de soi n’étant que peu ou pas du tout au centre des préoccupations. La thérapie comportementale est également axée en premier lieu sur l’intégration comportementale dans la société existante. Selon le modèle médical, encourager le développement individuel, personnel d’une personne au sein de son contexte psychosocial existant n’est pas au centre de la thérapie.

Les psychologues ont l’avantage de ne pas pouvoir prescrire de psychotropes, puisqu’ils n’ont pas été formés selon le modèle médical. Ils peuvent désormais établir des diagnostics selon le modèle médical, ce qui n’aide en rien à promouvoir le développement individuel, puisqu’ils sont encore prisonniers du modèle médical. Quel est donc l’avantage des psychologues ? Quel pourrait être leur rôle dans les soins de santé mentale de la société actuelle ? Ils pourraient mieux percevoir la personne souffrant de troubles psychiques dans son contexte psychosocial, c’est-à-dire surtout au sein de son système familial, et l’accompagner en la soutenant.

La thérapie systémique

Si les psychologues veulent se faire une place influente dans le monde de la santé mentale, ils devraient intégrer l’environnement social de leurs patients dans le traitement et ne pas se limiter à la lutte contre les symptômes selon le modèle médical. Notre longue expérience en thérapie systémique selon Murray Bowen montre que la biographie individuelle, qui se reflète dans la mémoire émotionnelle du système limbique, l’hypocampe, joue toujours un rôle déterminant dans le développement des pathologies psychiques. Pour pouvoir traiter les blessures psychiques qu’une personne a subies au cours de sa vie, il faut des accompagnateurs de vie humains et non des combattants de symptômes. Les psychologues pourraient jouer ce rôle. Interpréter les symptômes de la maladie dans le contexte social dans lequel ils sont apparus à l’origine est instructif et permet de comprendre les liens de cause à effet. Il existe différentes écoles au sein de la thérapie systémique, chacune ayant sa légitimité, ses avantages et ses inconvénients. La thérapie systémique selon Murray Bowen établit toujours un génogramme sur trois générations. Ce génogramme permet ainsi de reconnaître rapidement le rôle et la place d’une personne au sein de son système familial et d’en tirer des conclusions pour l’approche thérapeutique.

Mais ce qui devrait nous tenir particulièrement à cœur aujourd’hui, c’est la prise en charge de la santé mentale de nos jeunes, de nos enfants et de nos adolescents : les médias signalent de plus en plus le fait que notre jeunesse est malheureuse, voire en souffrance. Les enfants et les adolescents ne devraient jamais être traités uniquement comme des individus isolés. En effet, ils sont encore fortement dépendants sur le plan émotionnel de l’environnement psychosocial dans lequel ils se trouvent. C’est pourquoi, lors de leur traitement, l’environnement social, c’est-à-dire les parents et les éducateurs professionnels tels que les enseignants et les éducateurs de jeunes enfants, devrait être impliqué dans le processus thérapeutique. Si les personnes les plus importantes sont guidées et soutenues pour introduire un changement dans leur interaction avec l’enfant ou l’adolescent, ce dernier, dépendant du système et ayant besoin de protection, en tire profit. C’est une loi systémique qui s’applique à tous les systèmes vivants, puisque les membres sont en relation les uns avec les autres.

Pour améliorer les difficultés de prise en charge des enfants et des adolescents souffrant de troubles psychiques dans la situation actuelle, un soutien psychologique systémique précoce du réseau éducatif serait un grand avantage. Cela permettrait d’économiser de nombreux frais collatéraux, qui devront être mobilisés pour aider les enfants souffrant par la suite de troubles psychiques. En ce sens, je ne peux qu’inviter les psychologues à adopter une approche systémique dans le traitement des maladies psychiques et à ne pas traiter uniquement l’individu malade et ses symptômes de manière isolée, mais à toujours prendre en compte son contexte psychosocial, directement ou même mentalement.

Virginia Satir a été l’une des premières thérapeutes systémiques, une assistante sociale qui faisait surtout du networking. J’ai même eu personnellement l’occasion de la rencontrer pendant mon séjour aux États-Unis, puisque j’ai suivi pendant trois ans ma formation systémique de troisième cycle avec Murray Bowen. De plus, de nouveaux mouvements dans le domaine de la psychiatrie vont à nouveau dans le sens d’une plus grande implication des proches des patients psychiatriques dans le traitement. Dans ce contexte, les psychologues pourraient également jouer un rôle important en tant que soignants qui ne se limitent pas au modèle médical de lutte contre les symptômes, mais qui reconnaissent les liens plus larges et globaux.

Dr méd. Ursula Davatz est psychiatre FMH, thérapeute systémique et familiale, experte en TDAH et exerce à Zurich.
Contact : https://www.ganglion.ch