L’IA dans la psychothérapie

Entre engouement et réalité

Samuel Siegfried

à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 10 (20) 2024 52–53

https://doi.org/10.30820/2504-5199-2024-2-52

IA ou logiciel ?

Après l’ascension fulgurante de ChatGPT, sorti en novembre 2022, l’intelligence artificielle est omniprésente, mais elle n’est pourtant pas nouvelle. La nouveauté réside dans l’IA générative, qui génère des contenus comme des textes et des images similaires à ceux créés par les humains. L’IA est déjà utilisée dans de nombreux domaines du quotidien grâce à l’apprentissage automatique, souvent sans que l’on s’en rende compte : elle protège les cartes de crédit contre la fraude, filtre les spams et reconnaît les visages. Ben Evans, analyste technologique, résume ainsi le débat : « Nous parlons d’IA quand ça ne marche pas ; et quand tout fonctionne, on appelle ça un logiciel, tout simplement ». Cette déclaration illustre la perception paradoxale de l’IA dans la société : tant qu’une technologie n’est pas mature, elle est perçue comme une IA. Dès qu’elle fonctionne de manière fiable, elle est considérée comme un logiciel ordinaire.

Trois éléments sont nécessaires pour que l’IA fonctionne efficacement : la puissance de calcul, un réseau neuronal et de grandes quantités de données. Celles-ci sont étroitement liées à la puissance de calcul des ordinateurs et à la loi de Moore, qui permet une croissance exponentielle de la puissance des ordinateurs depuis 60 ans. Sans cette croissance, des technologies comme les PC, les smartphones ou Netflix seraient impensables. On ne sait pas quelles nouvelles possibilités offrira l’IA, mais ce qui est sûr, c’est que les progrès seront exponentiels.

L’IA pour le diagnostic et la thérapie

L’intelligence artificielle joue donc un rôle croissant dans la psychothérapie. En Grande-Bretagne, par exemple, le système Limbic Access aide à établir un premier diagnostic et à trouver des places en thérapie, ce qui a entraîné une augmentation de 15 % des auto-admissions pour les 130 000 personnes concernées. En outre, l’IA obtient ses premiers succès dans la reconnaissance des émotions, ce qui pourrait à l’avenir aider à établir un diagnostic. Des études, comme celle de l’Université de Bâle, montrent que l’IA peut même dépasser les capacités humaines de reconnaissance des expressions faciales en captant les micro-expressions. Cette capacité pourrait être utilisée en psychothérapie pour révéler les émotions inconscientes des patients.

Les chatbots constituent un autre champ d’application de l’IA. Malgré plus de 60 ans d’histoire et le fait que beaucoup d’entre eux réussissent désormais le test de Turing, à savoir un test qui permet de vérifier qu’ils ne peuvent pas être distingués des humains, leur évolution rapide a entraîné des différences considérables dans leurs fonctions et leurs limitations. Ces différences ne sont pas toujours immédiatement visibles pour les utilisateurs.

Wysa est le seul chatbot certifié en tant que dispositif médical. Il a été approuvé par la FDA (U. S. Food and Drug Administration) pour le traitement de la dépression et de l’anxiété par la thérapie cognitivo-comportementale et est utilisé dans plusieurs grandes entreprises. Bien que de tels outils n’aient pas (encore) d’autorisation médicale en Europe et qu’il faille faire preuve de tact, la thérapeute pour enfants et adolescents Makia Matheis voit un potentiel dans les chatbots : ils pourraient aider à surmonter les inhibitions à l’idée d’entamer un entretien professionnel. Elle souligne toutefois que les chatbots ne peuvent pas traiter les troubles mentaux graves.

Bien que la preuve empirique dans la pratique quotidienne se fasse encore attendre, de nombreux éléments indiquent que les outils d’IA pourraient prendre de plus en plus d’importance dans la psychothérapie. Ces outils pourraient, par exemple, combler les lacunes entre les séances de thérapie et soutenir les patients dans leur vie quotidienne. Le prestataire suisse YLAH est un exemple de cette approche de soins mixtes. Les interventions numériques et le suivi de la santé ont déjà prouvé leur efficacité dans de nombreuses études.

PlaynVoice : l’IA pour la documentation thérapeutique

Outre les avancées controversées en matière de diagnostic et de thérapie, l’IA montre son potentiel dans le domaine de la documentation, notamment pour les tâches « human-in-the-loop ». L’IA se charge ici de la majeure partie du travail de rédaction, tandis que l’être humain contrôle et peaufine le tout. Des exemples connus sont les systèmes de prise de notes comme le Copilot de Microsoft ou l’AI Companion de Zoom, qui font office de preneurs de notes pendant les appels vidéo.

Afin d’alléger la charge de travail des thérapeutes, PlaynVoice propose un logiciel qui transcrit les entretiens avec les patients et crée automatiquement des documents structurés tels que des notes de suivi et des rapports. L’application conviviale fonctionne sur tout appareil connecté à Internet, ce qui permet de créer facilement des notes sur son smartphone et de les consulter ultérieurement sur son ordinateur portable. Inspiré par des systèmes similaires mis en place aux États-Unis, comme Mentalyc, PlaynVoice s’est spécialisé dans les besoins spécifiques de la Suisse. Le logiciel prend en charge toutes les langues nationales, y compris le suisse allemand, et répond à toutes les exigences légales nationales. Toutes les données sont cryptées, anonymisées et stockées en Suisse.

Les premiers tests montrent que PlaynVoice permet aux thérapeutes et aux psychiatres de gagner un temps précieux allant souvent jusqu’à plusieurs heures par semaine. Ce temps peut être utilisé pour un suivi plus intensif des patients ou pour trouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les utilisateurs test rapportent en outre un haut degré d’acceptation de la part des patients, qui bénéficient d’une attention accrue et d’une meilleure prise en charge. C’est ainsi que Sibylle Wasserfallen, psychothérapeute à Zurich, déclare : « J’économise une heure par jour, que je peux investir dans des planifications de thérapie et de mesures plus approfondies ».

Le système est particulièrement apprécié dans les domaines où une documentation importante est nécessaire, par exemple lors des premiers entretiens ou des examens diagnostiques. Mais l’IA n’est pas encore parfaite : ceux qui documentent de manière très succincte ou qui ont un style fixe n’y verront pas (encore) une grande utilité. PlaynVoice offre aux personnes intéressées la possibilité de tester le système sans engagement.

Dans les mois à venir, PlaynVoice prévoit d’étendre encore ses fonctionnalités, notamment dans le domaine des rapports (anamnèse, admission, sortie, prolongation, assurance), où plus de 20 entretiens devraient être résumés dans un seul document.

Samuel Siegfried est l’un des trois cofondateurs de PlaynVoice. Auparavant, il a participé pendant dix ans à la création d’entreprises de logiciels, d’abord Frontify à Saint-Gall, puis Pleo à Copenhague.