Ursula Davatz
à jour! Psychotherapie-Berufsentwicklung 10 (20) 2024 54–55
https://doi.org/10.30820/2504-5199-2024-2-54
Le TDA(H) et l’autisme bénéficient aujourd’hui d’une forte exposition médiatique dans tous les médias, professionnels et non professionnels. Il est évident que cette image correspond à l’idée de la neurodiversité au sein de notre prédisposition génétique déterminée, à l’esprit du temps, aux besoins émotionnels des profanes comme des professionnels. Mais de quoi s’agit-il quand on parle de TDA(H) et d’autisme ? De notre point de vue et de notre expérience, le TDAH et le TDA (nous dissocions désormais les deux manifestations) sont un neurotype génétiquement hérité qui se transmet de génération en génération au sein des systèmes familiaux. Le TDAH est le type de personnalité extravertie, qui fait encore passer toutes ses tempêtes impulsives et émotionnelles dans son environnement, alors que chez le type de personnalité TDA, toute l’hyperactivité va vers l’intérieur sous la forme d’une pensée hyperactive, d’une réflexion et d’un raisonnement intérieur. Si l’on ajoute à cela les réflexes de stress humains, les types de personnalité TDAH utilisent en premier lieu le réflexe de lutte et les types de personnalité TDA le réflexe de fuite vers l’intérieur dans un monde de rêve et d’imagination.
Si nous analysons l’esprit du temps actuel dans l’économie, la recherche, l’industrie du divertissement, la communication et la politique en général, on s’aperçoit que ce qui compte en premier lieu, c’est la vitesse et le sensationnel. En ce sens, l’esprit du temps actuel favorise le type de personnalité TDAH dans la vie adulte, qui est extraverti et qui réussit de manière agressive. À l’école, ces personnes ne sont pas encore très populaires : ils remettent trop en question l’institution scolaire, qui soutient le système. Mais à l’âge adulte, on les admire.
Qu’arrive-t-il maintenant aux types de personnalité TDA qui, sous l’effet du stress, prennent la fuite vers l’intérieur ? Ils se retirent, refusent totalement la société, la vie sociale, s’enfoncent dans leur propre monde intérieur. S’il s’agit d’intellectuels, de scientifiques, d’inventeurs ou d’artistes, ils peuvent puiser dans leur riche vie intérieure de quoi enthousiasmer à nouveau le monde extérieur. Mais tous n’ont pas le talent de Mozart, d’Einstein ou d’Elon Musk … et ne sont donc pas capables de créer quelque chose d’unique à partir de leur monde intérieur. Ils sont écrasés par notre « folie de vouloir sauver » : des soins de santé psychiatriques et psychologiques avec des diagnostics, des thérapies spéciales et des médicaments. Les troubles du spectre autistique (TSA) sont bien plus souvent diagnostiqués aujourd’hui que jusqu’à récemment, et la question se pose de savoir pourquoi ? Notre mode de vie hyperactif y est-il pour quelque chose, poussons-nous les personnalités sensibles souffrant de TDA à s’isoler de plus en plus intérieurement et finalement aussi extérieurement ?
Le terme d’autisme a d’abord été utilisé pour désigner les patients schizophrènes qui se replient dans l’absence de mots. Plus tard, il a été appliqué aux enfants qui avaient des difficultés dans l’acquisition du langage, c’est-à-dire qui souffraient d’une légère diversité neurologique, au niveau de la partie du cerveau responsable du langage. Le terme est désormais utilisé pour désigner toutes les personnes, enfants ou adultes, qui mènent une vie quelque peu recluse, refusant de communiquer. La question se pose à nouveau : quel est le rapport avec leur environnement social ? Et comment devons-nous réagir en tant que professionnels de la santé dans le cadre des soins de santé mentale ?
En tant que médecins et psychiatres, nous sommes avant tout des combattants des symptômes. Or, chez les patients autistes, il n’y a rien à combattre, si ce n’est des symptômes négatifs et une attitude de refus. Mais ce type de comportement ne se combat pas. Il s’agit plutôt de faire sortir ces patients de leur isolement intérieur, ce qui ne peut se faire qu’avec de la patience et une présence intérieure sans activité extérieure. Il faut « être là », « être avec eux » sans rien vouloir, sans aucune ambition thérapeutique ni aucun objectif qui mettrait la pression sur les patient(e)s autistes et les ferait disparaître encore plus dans leur isolement intérieur. En sommes-nous capables ? Sommes-nous capables de ne pas laisser le monde extérieur affairé nous pousser vers l’efficience et l’efficacité ? Si nous n’en sommes pas capables, nous devons apprendre à le devenir avec nos patient(e)s. Il n’est jamais trop tard.
Les personnes présentant une neurodiversité autistique, une neurodiversité TSA, ont besoin, du point de vue thérapeutique, d’une perception très différenciée. Elles perçoivent les choses, les événements, les interactions, les stimuli, etc. en partie différemment de ce que nous avons l’habitude de voir dans notre quotidien avec les normotypes. C’est pourquoi nous devons affiner notre perception, notre sens de l’observation, afin d’apprendre à comprendre ces personnes et à mieux les gérer. Nous ne devons pas les aborder d’emblée avec des concepts préconçus de la maladie et vouloir les faire rentrer dans la norme ou normaliser leur comportement. Nous devons d’abord leur faire comprendre que leurs actes et leurs pensées sont légitimes et les accepter dans leur différence avant de pouvoir les aider à s’intégrer un peu mieux dans notre société normative.
Leur différence subsistera toujours. Mais ils peuvent, avec notre aide, apprendre à gérer un peu mieux leur différence, selon l’adage « Anders, aber nicht falsch » (c’est le titre d’un livre de Maria Zimmermann qui signifie « La différence n’est pas une tare »). En tant que thérapeutes, nous devons absolument veiller, dans la thérapie de l’autisme ou du TDA, à ne pas exercer de pression sur les patients ou sur nous-mêmes en voulant obtenir rapidement des résultats. La pression n’engendre que de la résistance et un nouveau repli sur le monde intérieur autistique avec un refus total de communiquer.
En guise de conclusion, ajoutons ici la citation du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry pour décrire ses rapports avec le renard timide : « Apprivoise-moi ! ». Apprivoisons notre propre impatience thérapeutique pour gagner la confiance de notre interlocuteur. Établir une relation de confiance, telle est la clé.
Dr méd. Ursula Davatz est psychiatre FMH, thérapeute systémique et familiale, experte en TDAH. Elle exerce à Zurich.
Contact : https://www.ganglion.ch