Sandra Feroleto
https://doi.org/10.30820/2504-5119-2020-1-47
La Suisse romande n’est évidemment pas épargnée par le phénomène général d’anxiété qui entoure la propagation rapide et insinueuse d’un virus ni nouveau ni plus puissant que bien d’autres, mais dont le niveau de contagion et de létalité met les plus fragiles en danger.
Dans ce contexte, les autorités sanitaires romandes n’ont pas toutes édicté des recommandations ou directives claires concernant le maintien des consultations de psychothérapie et chacun a dû prendre des décisions sensibles, dans la pesée d’intérêt entre risques sanitaires et risques psychiques, tout en ayant sa propre situation économique d’indépendant en arrière-plan. Dilemmes éthiques et humains pas simples à résoudre !
Le risque psychosocial actuel est brûlant. Des enfants à domicile, à plein temps avec des familles qui n’ont pour beaucoup plus l’habitude de s’en occuper autant. En manque de copains. En manque de défis scolaires. En manque de jeux … et pourtant, sûrement que jamais les familles n’ont eu autant de temps. Des professeurs qui se réorganisent pour donner du travail à distance et qui viennent parfois encore plus peser sur les familles démunies. Si la direction de l’enseignement fait son possible pour garantir équité et soutien aux parents, l’isolement est tout de même à la porte, avec un confinement qui, s’il n’est pas encore total, s’en approche.
Ce confinement amène en contrepartie une vague de solidarité et de reconnaissance de l’Autre qui sont évidemment très précieuses et intéressantes pour la société. Une fois la crise terminée, est-ce qu’il arrivera encore que des personnes se passent le mot et sortent sur le balcon à 21h pour applaudir le personnel de la voirie qui fait de nos routes un terrain quotidien de promenades agréables ?
Ce virus saisit aux poumons, crée de l’asphyxie chez certains et est parvenu, à lui tout seul, à enfin ralentir la production, faire cesser les machines, poser les gens en eux-mêmes. Est-ce que la population est prête pour ce rendez-vous intime ? Prête pour écouter ce qui se passe au fond de chacun, pour oser la rencontre yeux dans les yeux avec soi et l’Autre ?
C’est en tous les cas une période très spéciale, où un petit virus parvient, à lui tout seul, à faire ce que tous les décideurs politiques réunis ne sont pas parvenus à obtenir pour tenter de dépolluer notre planète et de garantir qu’elle continue de nous servir de refuge, de repère, de Mère nourricière.
Un petit virus nous démontre qu’ensemble, collectivement, nous sommes capables d’éteindre les incendies les plus élargis. Le petit colibri que certains connaissent peut-être s’engage avec courage, goutte après goutte, à tenter de « faire sa part » pour venir à bout d’une catastrophe naturelle … Serions-nous ces petits colibris de la société qui, jour après jour, pourraient permettre d’insuffler solidarité, compréhension, sens de l’Altérité, respect et de rassembler peu à peu les ingrédients d’une nouvelle société humanisante ?
C’est en tous les cas ce que je souhaite pour notre Association, et que la psychothérapie post-COVID-19 soit une profession plus connue encore, aux actions perçues, et qui puisse déployer ses effets non pas individuels mais collectifs.
En attendant, j’ai consultation à 9h par téléphone, 10h par visioconférence, 11h par télépathie et à midi, je continue de manger, en attendant que la bonne nouvelle d’un petit virus qui disparaît peu à peu du territoire suisse ne me parvienne … pour enfin avoir le plaisir d’accueillir de nouveau des patients dans mon cabinet.
Sandra Feroleto est membre du comité et déléguée pour la Suisse romande.