Évaluation de la première étape de l’accréditation par l’OFSP

Peter Schulthess

https://doi.org/10.30820/2504-5119-2020-2-60

Tous les cursus de formation continue en psychothérapie ont obtenu une accréditation après l’entrée en vigueur de la Loi sur les professions de la psychologie (LPsy). L’accréditation se déroulait en quatre étapes : il fallait tout d’abord réaliser et remettre une auto-évaluation sur la base d’une grille remise par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le formulaire correspondant contenait les critères d’accréditation selon les normes de qualité promulguées. Dans un deuxième temps, une évaluation de tiers était réalisée par des groupes d’experts, constitués à chaque fois de trois personnes, mandatés par une Agence d’assurance qualité (AAQ). Le compte-rendu de ces derniers accompagné d’une demande ou d’un refus d’accréditation, ou d’une accréditation sous conditions était remis à l’AAQ, qui rédigeait à son tour un compte-rendu accompagné d’une demande au Département fédéral de l’intérieur (DFI), et qui formulait souvent des demandes divergeant du groupe d’experts compétents. La Commission des professions de la psychologie (PsyCo) avait la possibilité d’émettre son avis sur ces documents. Le DFI décidait au cours de la quatrième étape.

Début mai 2020, l’OFSP a remis un rapport d’évaluation sur cette première étape de l’accréditation. Il a été demandé à tous les participants (organisations responsables des cursus de formation continue, expertes et experts, PsyCo), sur la base d’un questionnaire, d’indiquer les points positifs et négatifs. Ces réactions ont été incluses dans le rapport d’évaluation.

Sur 47 demandes d’accréditation, 40 ont reçu une réponse favorable du DFI et sept une réponse négative.

Il est frappant de constater qu’aucun des groupes d’expertes et d’experts qui avaient rendu visite aux prestataires de formations continues et pouvaient ainsi s’en faire une idée concrète n’avaient émis de demande négative. La totalité des comptes-rendus émettaient une demande d’accréditation sous conditions, là où ils voyaient des faiblesses. Il en allait tout autrement à l’AAQ. Celle-ci examinait les contradictions et les faiblesses contenues dans les comptes-rendus des expertes et des experts. Après l’analyse des comptes-rendus des expertes et des experts, elle formulait son propre avis qui différait souvent de l’évaluation des expertes et des experts, fixait des conditions supplémentaires et changeait les demandes favorables en demandes négatives. Elle a émis une demande de refus pour cinq cursus de formation continue parce qu’elle estimait que les carences constatées par les expertes et experts étaient trop nombreuses ou si fondamentales qu’elles ne pouvaient pas non plus être éliminées par des conditions supplémentaires. La PsyCo a pu elle aussi émettre un avis en tant qu’organe de conseil et faire des recommandations au DFI. Elle a recommandé d’accréditer uniquement 22 cursus de formation continue, recommandations souvent assorties d’un souhait de conditions plus strictes ou supplémentaires. Pour 23 formations continues, elle a émis un avis de rejet, et aucune recommandation dans deux cas, car elle estimait que le compte-rendu des expertes et experts, tout comme le compte-rendu de l’AAQ, ne constituaient pas une base suffisante pour une évaluation. Comme on le voit, le DFI a dans chaque cas suivi la recommandation de l’AAQ en recourant éventuellement aux avis émis par la PsyCo pour formuler des conditions supplémentaires. Dans deux cas, le DFI a pris une décision contraire à la demande de l’AAQ et conforme à la recommandation de la PsyCo. Pas un seul cursus de formation continue n’a été accrédité sans conditions. Le nombre des conditions imposées a varié de 1 à 14. La médiane a été de 7.1.

On peut voir, dans un graphique contenu dans un compte-rendu de l’OFSP, que l’AAQ, la PsyCo et le DFI ont émis au fil du temps des jugements de plus en plus sévères. Cela ne devrait pas se produire dans une procédure ordinaire ! Cela enfreint le précepte d’égalité de traitement et est à notre avis indigne d’un processus d’accréditation sérieux.

Les personnes interrogées ont fait remarquer de façon critique qu’il était décevant que 47 groupes d’expertes et d’experts interprètent et jugent de façon différente selon des normes aux contours flous. Cela a conduit à un traitement inégal. Un pôle d’expertes et experts à effectif réduit a certes été constitué récemment, à partir duquel les groupes d’expertes et d’experts sont régulièrement appelés à intervenir. Une meilleure préparation des équipes d’expertes et d’experts vise à permettre une homogénéité de l’interprétation des normes de qualité.

Les normes de qualité doivent être complétées sur la base du compte-rendu et des réactions des participants en vue de la prochaine étape de l’accréditation. En révisant les normes de qualité, l’OFSP veut introduire une nouvelle norme d’aptitude personnelle des personnes suivant la formation.

Le cursus de formation continue doit en outre être tenu d’évaluer systématiquement, tant au plan qualitatif que quantitatif, avec des instruments validés scientifiquement, les thérapies que mettent en œuvre les personnes suivant la formation.

La durée et le lieu de la pratique clinique ont également fait l’objet d’intenses discussions à l’OFSP en relation avec le remplacement du modèle de délégation. L’OFSP se réserve le droit, en fonction du développement des travaux sur le modèle de disposition, de changer la norme de sorte que les deux années de pratique doivent être effectuées dans un établissement psychothérapeutique-psychiatrique.

Les prestataires de formation continue ont eu l’opportunité de faire part de leurs réactions sur ces points par écrit. De nombreux prestataires de formation continue ont réclamé un séminaire d’information physique pour discuter du rapport d’évaluation et des modifications prévues des normes de qualité. Ce dernier a dû cependant être annulé à cause de l’évolution de la pandémie de COVID-19. La révision de l’accréditation des filières de formation postgrade des professions de la psychologie (AccredO-LPsy), les processus de mise en œuvre de la loi ainsi que sa promulgation par le DFI doivent être achevés d’ici fin novembre 2020 au plus tard.

Ce dont il faut débattre, et qui a fait l’objet d’une critique des nouvelles normes par l’ASP :

Deux expertes et experts avaient joint à leur prise de position un courrier qui a été cosigné par 22 professeurs de psychologie et de psychothérapie. L’ASP a exigé que ce document soit produit en invoquant le principe de publication de l’administration. Cela concernait la norme de justification scientifique de procédés thérapeutiques. Il y a été proposé de procéder à ce contrôle sur la base de la recherche existante avant même d’effectuer la visite sur place et de ne pas du tout poursuivre le processus d’accréditation en fonction du résultat. On devrait s’en tenir aux normes internationales d’évaluation de la qualité des recherches, par exemple les directives NICE ou APA. Ces dernières favorisent les concepts de recherche de la médecine basée sur les preuves, un concept contesté et jugé désuet dans le discours scientifique pour la recherche en psychothérapie, qui est actuellement remplacé par le modèle de contexte.

Ces professeures et professeurs ont proposé à l’OFSP d’élaborer des critères correspondant à ces normes. L’OFSP nous a assuré que cette suggestion n’aurait pas d’effet supérieur à toutes les autres suggestions. Il a été simplement considéré comme une suggestion des deux expertes et experts et n’a pas eu plus d’impact sur la révision des normes de qualité. L’OFSP nous a également assuré que les associations et les prestataires de formation continue seraient impliqués dans le cas d’une formulation éventuelle des critères d’évaluation scientifique basée sur la recherche suffisante d’une approche thérapeutique. L’ASP a exigé qu’une compréhension scientifique et de recherche pluraliste soit appliquée.

L’adoption de l’évaluation de l’aptitude personnelle aux professions de la psychothérapie peut être acceptée, mais la manière d’évaluer cette aptitude doit être laissée à la libre appréciation des prestataires de formation continue. Tous les critères et les instruments éventuellement prescrits doivent être rejetés.

La question de l’évaluation de thérapies que les personnes suivant la formation appliquent n’a pas suscité et ne suscite aucune discussion. Dans notre suggestion, nous avons exigé de renoncer à cette norme, du fait que les étudiantes et étudiants dans les cliniques et les cabinets sont de toute façon soumis aux systèmes d’évaluation qui y sont appliqués. Il faut faire la distinction entre évaluation d’une thérapie et recherche de thérapie. L’évaluation doit se limiter à identifier les progrès que les patientes et les patients font dans le processus de thérapie, et si les thérapeutes parviennent à transposer ce qu’ils ont appris dans une formation. Le choix des moyens doit être laissé à la libre appréciation des prestataires de formation continue.

L’exigence d’un examen final a nettement été formulée. Cet examen doit être configuré de manière à pouvoir évaluer si les compétences nécessaires ont été acquises pour pouvoir exercer la profession en toute autonomie. Il doit comprendre un examen écrit et des études de cas, ainsi qu’une évaluation de l’aptitude personnelle à exercer.

Nous avons remarqué que certaines anciennes matières (génériques) ne sont plus exigées. Nous avons fait part de notre incompréhension, et trouvons par exemple assez explosif le fait que la matière « Confrontation critique avec les questions de politique sociétale et éthique liées à la psychothérapie » soit supprimée sans motif. Nous avons demandé à ce qu’au moins cette matière soit réintroduite.

Nous regrettons qu’aucune confrontation ouverte ni discussion du fait de la situation de COVID-19 n’aient pu avoir lieu. À la demande de différents instituts, y compris d’instituts n’appartenant pas à l’ASP, nous voulons rattraper ce point au moins au niveau des prestataires de formation continue. Une conférence organisée en juin 2021 doit permettre aux prestataires de formation continue de discuter des instruments qu’ils ont désormais introduits dans les normes faisant polémique et des expériences qu’ils ont faites avec eux. Cette condition a déjà été communiquée à certains instituts qui ont été évalués plutôt tardivement dans la première étape de l’accréditation, et qui doivent la mettre en œuvre avant même le commencement du renouvellement de l’accréditation. Les prestataires de formation continue doivent à notre avis se préparer ensemble au renouvellement de l’accréditation sur la base des nouvelles normes de qualité aussi bien que l’AAQ veut préparer les expertes et experts.

Peter Schulthess est membre du comité de l’ASP.