Marianne Roth
https://doi.org/10.30820/2504-5199-2021-1-52
C’est avec joie et un grand soulagement que l’ASP a pris connaissance de la décision du Conseil fédéral du 19 mars 2021 d’autoriser le modèle de prescription promis de longue date. En clair, cela veut dire qu’à partir du 1e juillet 2022, les psychothérapeutes pourront administrer leurs thérapies en toute autonomie sur ordonnance d’un médecin et les décompter via l’assurance de base. Ces ordonnances peuvent être établies par des médecins ayant suivi une formation suisse ou une formation étrangère reconnue en médicine générale, en psychiatrie et en psychothérapie, en psychiatrie et en psychothérapie infantile, ou par des médecins ayant suivi une formation interdisciplinaire spécialisée en médecine psychosomatique et en médecine psychosociale de l’Académie Suisse pour la Médecine Psychosomatique et Psychosociale (ASMPP).1
Qui sera agréé
Seront agréés par l’assurance de base les psychothérapeutes qui disposent d’une autorisation cantonale de pratique émise par le canton dans lequel ils exercent. Vous devez en outre pouvoir faire état d’une expérience clinique de trois ans, dont au moins un an dans une institution psychothérapeutique-psychiatrique reconnue.
Les dispositions transitoires stipulent que les personnes doivent disposer d’une formation en psychothérapie sanctionnée par un diplôme lors de l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Elles doivent en outre avoir accumulé une expérience professionnelle dans l’administration de soins psychothérapeutiques-psychiatriques d’au moins trois ans accompagnée par une supervision qualifiée. En cas d’emploi à temps partiel, la durée minimale de trois ans d’expérience clinique se prolonge en conséquence. Une autorisation cantonale de pratique constitue également la condition préalable à l’autorisation de décompte via l’assurance de base.
Ce qui change
À l’heure actuelle, les prestations de psychothérapeutes ne peuvent être prises en charge par l’assurance de base que si elles sont déléguées et sont prodiguées sous la surveillance de médecins habilités à cet effet, au cabinet de ces derniers. Les psychothérapeutes travaillant de façon déléguée se trouvent dans une relation d’employés et perçoivent leur salaire des médecins qui les emploient. La délégation a été introduite en 1981 en tant que solution transitoire et a conservé sa validité jusqu’à ce que la profession de psychothérapeute soit régie par la loi sur les professions de la psychologie (LPsy) et que le titre soit protégé. Ceci s’est produit le 1e avril 2013. Neuf années devaient cependant encore s’écouler jusqu’à ce que le modèle de délégation soit enfin remplacé par le modèle de prescription.
Les traitements de psychothérapeutes travaillant à leur compte doivent être pris en charge par les patientes et les patients eux-mêmes ou peuvent être en partie décomptés via l’assurance complémentaire – dans la mesure où une telle assurance a été conclue. Cette pratique a eu pour effet que de nombreuses personnes, surtout celles qui perçoivent de bas salaires, ne pouvaient pas s’offrir de psychothérapie, ce qui prive une partie de la population à un accès quelconque à des soins ou à des soins suffisants, y compris dans les zones rurales où le manque d’offre de soins psychiques est préoccupante.
Le modèle de délégation, que beaucoup de personnes concernées désignent comme humiliant, appartiendra au passé. Les psychothérapeutes travaillant de façon déléguée devront réfléchir à la manière dont ils veulent s’organiser à l’avenir : ouvrir un cabinet propre ou conclure un nouveau contrat de coopération avec leur employeur actuel ? L’ordonnance leur accorde jusqu’à fin 2022 un délai de transition pour s’adapter à la nouvelle réalité.
Les déficits du nouveau modèle
Au lieu de 40 heures comme jusqu’à présent, les médecins établissant les ordonnances ne peuvent dans un premier temps prescrire que 15 séances seulement. Les psychothérapeutes traitant doivent ensuite à nouveau émettre une demande de 15 séances. Cela entraînera des tâches administratives inutiles et provoquera éventuellement des interruptions sensibles dans la thérapie. Si la thérapie doit être poursuivie après 30 séances, un compte-rendu et une demande de poursuite de la thérapie devra être transmise à la caisse maladie concernée. Il est difficile de comprendre pourquoi les psychothérapeutes traitants ne devraient pas établir ce compte-rendu, mais les médecins établissant les ordonnances, qui ne connaissent pas du tout l’évolution de la maladie. En outre, la remise du compte-rendu doit être précédée d’une évaluation du cas par des médecins spécialistes ayant des titres de formation continue en psychiatrie et en psychothérapie ou en psychiatrie ou psychothérapie des enfants et des adolescents. Il est évident que ceci n’a de sens ni pour les psychothérapeutes, ni pour les médecins établissant les ordonnances. La pratique devra démontrer la manière dont on pourra gérer cette aberration.
L’introduction envisagée d’une troisième année clinique en sus de l’autorisation d’ordonner, que nous devrons bien accepter, a donné lieu à des discussions en amont de la décision du Conseil fédéral.
La mise en œuvre réclamera du temps
De nombreux détails doivent être encore clarifiés, car l’introduction du nouveau modèle réclame du temps, ce que nous ne pourrons jamais assez souligner. Certes les associations ont déjà accompli des travaux en amont – sans connaissances précises sur la manière dont l’ordonnance du Conseil fédéral se présenterait. Un nouveau tarif doit cependant être négocié avec les caisses maladies, du fait que la psychothérapie ne sera plus décomptée par le biais via le Tarmed. Les cantons portent la responsabilité de déterminer la procédure d’autorisation pour les modalités de décompte avec l’assurance de base, ce qui présuppose la mise en place d’interfaces correspondantes. Pour les psychothérapeutes pratiquants, cela veut dire qu’ils doivent s’organiser pour faire face à ce changement, sachant que notre intention est de les assister ici du mieux possible.
L’adaptation de l’ordonnance entrera le 1e juillet 2022 en vigueur – un temps que nous voulons mettre à profit pour assurer une transition tout en douceur.
Marianne Roth est directrice générale de l’ASP.
1 Ordonnance du DFI sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS) du 19 mars 2021.